Au moment où le débat s’éternise et les positions divergent sur le déroulement même des élections, certains optant pour l’élection du président avant les législatives et inversement et d’autres pour la simultanéité des deux scrutins, menaçant ainsi la tenue de ces élections, qui comme prévues par la Constitution doivent avoir lieu avant la fin de l’année, les sondages d’opinions viennent raviver le débat et rappeler aux uns et aux autres que malgré tous les calculs, le dernier mot revient aux électeurs.
D’après un sondage effectué par Sigma en mai dernier, et dont le quotidien en langue arabe Le Maghreb nous donne les résultats, les intentions de vote à l’élection présidentielle favorisent Béji Caïd Essebsi (29,9%) suivi en 2e position par le candidat islamiste Hamadi Jebali (12,8%) puis en 3e position par Mohamed Abbou (8,8%). Quant à l’actuel président provisoire, il est classé 5e avec 7,3% des intentions de vote devancé en cela par Kamel Morjane avec un taux de 8,3% très proche du 3e. L’actuel chef du gouvernement, Mehdi Jomaa, qui avait été bien classé dans un précédent sondage, n’étant plus dans la course, dans la mesure où il a clairement fait savoir, lors de sa dernière conférence presse, qu’il n’était candidat à aucune élection.
Donc, le leader de Nidaa Tounes est toujours le grand favori, mais la surprise se nomme Mohamed Abbou, secrétaire général du Courant démocrate qui devance son « ami » du CPR, Moncef Marzouki, le président provisoire qui n’a pas attendu le coup d’envoi officiel de la campagne électorale pour commencer « sa propagande ». Et dire qu’au vu des résultats des sondages toutes ses « gesticulations » seront vaines au second tour, car il n’a de chances ni devant Essebsi, ni devant le candidat d’Ennahdha, le « démissionnaire » préféré du frère leader Rached Ghannouchi. Au final, et dans tous les cas de figure, c’est Béji Caïd Essebsi qui l’emporterait et largement. Il devancerait ainsi le candidat islamiste de 23 points et d’environ 60 points Mustapha Ben Jaafar, l’actuel président de l’ANC qui a les faveurs de 4% seulement des intentions de vote.
A la lumière de ces résultats et d’autres qui les ont précédés, on est tenté d’avancer que les dés sont jetés pour ce qui concerne la présidentielle, mais les règles prudentielles nous poussent justement à faire preuve de prudence. En effet, il importe avant de se prononcer d’attendre principalement la liste officielle des candidats. L’autre inconnue reste aussi le comportement des électeurs : ceux qui vont réellement voter, ceux qui vont s’abstenir, ceux qui n’ont pas l’intention d’aller voter… Un comportement qui laisse parfois perplexe en ce sens que certains électeurs font la différence entre le leader ou le candidat d’un parti pour la présidentielle et le parti lui-même pour les législatives. Ainsi, par exemple, 16,2% de ceux qui ont l’intention de voter pour Essebsi n’ont pas voté pour Nidaa Tounes.
Il n’en demeure pas moins que les intentions de vote aux législatives donnent l’avantage à Nidaa Tounes, avec presque la moitié des voix, soit 41,3% contre 24% pour le mouvement islamiste Ennahdha. Un mouvement qui perd visiblement du terrain depuis un bon bout de temps pour arriver aujourd’hui et pour la première fois sous la barre du quart des intentions de vote. Quant au Front populaire, il reste malgré tout la troisième force politique du pays avec 6,2% et sera ainsi appelé à jouer un rôle important dans le paysage politique de demain.
Mais, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Si de tels sondages donnent une idée sur ce que sera demain, il n’en demeure pas moins que les résultats définitifs des élections dépendront, certes des comportements antérieurs des partis et de leurs leaders, et parfois même de certaines situations et autres événements régionaux, mais aussi et surtout des programmes proposés, du comportement de dernière minute des électeurs et de leur degré d’engagement à faire aboutir le processus démocratique.