La classe politique tunisienne a bel et bien vieilli, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Un constat lugubre et amer. Lors de la commémoration du cinquième anniversaire de la révolution tunisienne au palais de Carthage, la photo qui montre plusieurs hommes politiques en fin de carrière a été la risée des internautes et l’objet de commentaires tels : « Tiens la révolutions de la jeunesse ! ».
La pléiade d’homme politique qui y figure a dépassé de loin l’âge de la jeunesse. Ce qui n’enlève rien au fait que certains d’entre eux ont accompli des actes mémorables et honorables, à l’instar de Chedly Klibi, intellectuel et ancien secrétaire général de la Ligue arabe et Mustapha Filali ancien syndicaliste et homme politique, directeur du parti socialiste destourien et Mustapha Ben Jaafar le président de l’Assemblée nationale constituante tunisienne. Cette photo incite à réfléchir sur le positionnement de la jeunesse dans le paysage politique tunisien.
Si on se réfère à quelques figures de proue de la scène politique tunisienne, on se rendra compte par exemple que Hamma Hammami est à la tête du Parti communiste des ouvriers de Tunisie ( PCOT ) depuis sa création en 1986, Rached Ghannouchi, à la tête du mouvement Ennahdha depuis 1991 et pour le Parti démocrate progressiste ( PDP ) la situation est similaire car Ahmed Néjib Chebbi était le secrétaire général de 1983 à 2006, puis Maya Jribi de 2006 à 2012.
Deux tristes constats : le premier est relatif à la tranche d’âge des personnalités précitées qui ont dépassé la soixantaine et ne font plus partie de la classe des jeunes; et le deuxième est relatif à l’absence de toute démocratie interne au sein des partis politiques. Comment pourrions nous expliquer que des partis qui se revendiquent comme démocrates soient connus uniquement à travers un seul visage: celui de ceux qui profitent du pouvoir ?
Par ailleurs, les bureaux politiques et exécutifs de plusieurs partis politiques ne comptent pas de jeunes visages et le paradoxe s’accentue si on sait que les partis qui misent dans leurs discours électoral sur les jeunes sont ceux qui excluent le plus les jeunes des postes clés. Force est de constater que les missions accordées aux jeunes dans les partis politiques sont d’ordre logistique, technique ou sécuritaire (quand il s’agit d’assurer les lieux des meetings populaires ou lorsque le besoin s’impose pour une manifestation ). Bien évidemment toutes ces missions demeurent minimes et secondaires par rapport aux missions et aux rôles que les secrétaires généraux des partis s’octroient.
Malheureusement, cette pratique a créé un certain désintéressement des jeunes de la politique, bien qu’ils aient été les premiers à se révolter pendant la révolution du 17 décembre 2010- 14 janvier 2011. D’ailleurs, pendant les élections de 2011 et de 2014, il était remarquable de constater que les jeunes n’étaient pas les premiers à participer aux élections qui, faut-t-il toujours le rappeler, sont le fruit de la révolution portée à bout des bras par les jeunes. Et il semble que le bilan va demeurer sensiblement le même aux élections municipales. En effet, d’après le directeur de l’Observatoire national de la jeunesse, Mohamed Jouili , 62% de jeunes ne vont pas participer aux élections municipales.
Pourquoi, les leaders ne forment-t-ils pas les jeunes de leurs partis pour qu’ils prennent le relais et pour insuffler un nouveau sang à la vie politique tunisienne ? Le paternalisme serait à l’origine du problème. Cette classe politique, qui a vécu pendant l’ère de Bourguiba et celle de Ben Ali, semble ne pas comprendre que cette époque n’est plus la leur et que le rôle des jeunes du 14 janvier 2011 dépasse de loin l’obéissance aux chefs des partis politiques.
Aujourd’hui, le besoin de l’émergence de nouveaux partis politiques fondés et conçus par les jeunes est des plus urgent. Car la vieillesse du paysage politique actuel, son échec relatif à attirer les jeunes et à leur offrir un projet qui réponde à leurs attentes, annonce déjà la rupture entre les jeunes et les hommes politiques.