En matière de changement, la finance digitale n’est pas en reste. Ce nouveau secteur changera-t-il la donne pour booster l’économie du pays? Où en sommes-nous ? Mais plus encore quels sont les faits saillants du secteur et les enjeux? C’est dans le cadre du séminaire ayant pour thème “Inclusion financière et Finance digitale”, tenu les 28 et 29 août à Abidjan – Côte d’Ivoire, que Boutheina Ben Yaghlane, directrice générale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), invitée par l’Institut mondial des banques d’épargne et de détail (WSBI) regroupant plusieurs acteurs financiers africains (BAD, BCEAO, UEMOA, CNCE, FCPB, MicroCred, SONAPOST Burkina Faso, BMS Mali, BNI Gestion, ..), nous a répondu exclusivement depuis Abidjan.
– Vous participez au séminaire « Inclusion Financière et Finance Digitale » à Abidjan (Côte d’Ivoire), en quoi consiste-t-il ? Quels sont les enjeux ?
Etant invitée par l’Institut mondial des banques d’épargne et de détail (WSBI) au séminaire, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la contribution des institutions financières en matière d’inclusion et de digitalisation financière d’une part, et des politiques d’épargne pour augmenter le volume des clients et les transactions appuyées par la téléphonie mobile, d’autre part.
Comme vous le savez, la croissance inclusive se heurte en Tunisie à de multiples obstacles. L’accès au financement est, entre autres, une contrainte majeure. Une politique d’inclusion financière est désormais cruciale pour lutter contre l’exclusion économique, notamment dans les régions défavorisées. De même, faciliter l’accès à la finance pourrait aussi contribuer à l’inclusion sociale. Ceci est d’autant plus important dans notre contexte marqué par un taux de chômage de 15,3%, dont 32% parmi les jeunes diplômés.
En revanche, l’inclusion financière repose sur des indicateurs d’usage de services financiers, montrant les capacités d’accès des individus (adultes de plus de 15 ans) aux produits d’épargne, aux emprunts bancaires, aux transferts postaux, aux micro-crédits et autres instruments de la microfinance, aux produits d’assurance, et plus globalement à des services financiers de base ainsi qu’à des dispositifs de paiements adéquats.
D’après une étude faite par l’IACE en mars 2017, on estime à 73% le nombre de la population non bancarisée en Tunisie dont la plupart est confrontée à plusieurs difficultés, notamment les coûts et/ou l’inadaptation des services financiers, l’éloignement des établissements financiers, la non-possession des documents nécessaires pour l’ouverture d’un compte et la défiance vis-à-vis des prestataires de services financiers.
De même, les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), formelles et informelles, manquent de services financiers adaptés qui leur permettraient d’évoluer et de prospérer.
Certains groupes de population sont plus exclus que d’autres : les femmes, les jeunes, les ruraux pauvres et les autres populations isolées ou difficiles à atteindre ainsi que les MPME informelles sont les plus touchés.
Par ailleurs, la finance digitale en Tunisie fait encore ses premiers pas. On estime le nombre des utilisateurs à 400.000, 95% sont des jeunes dont 84% des étudiants, 67% sont des femmes, 5% dans les zones rurales. 57% des utilisateurs estiment l’impact positif (gain de temps).
La possibilité de se rattraper reste toujours possible grâce à de nouvelles technologies comme «la technologie financière», ou «Fintech», et en particulier la banalisation de la téléphonie mobile dans le monde qui pourra faciliter l’élargissement de l’accès aux services financiers pour des populations difficiles à atteindre et les entreprises à moindre coût et pour un risque minimal. Le paiement par téléphone mobile et les services financiers digitaux représentent ainsi des opportunités pour étendre rapidement l’accès aux services financiers, mais leur développement requiert une législation et une infrastructure plus adaptées.
– La Caisse des Dépôts et Consignations … quel rôle pourrait-elle jouer?
La CDC est un investisseur public en capital, son rôle est essentiellement la participation dans des grands projets qui se conjuguent avec les politiques publiques. Cet acteur se définit comme le bras financier de l’Etat dont ses ressources proviennent en grande partie de l’épargne postale.
L’intervention de la caisse ne peut en aucun cas être définie ou assimilée à celle des institutions de Micro Finance (IMF). La CDC est un initiateur de politiques, son rôle se situe au niveau du refinancement et du traçage des objectifs à atteindre.
Un rapport de la Banque Mondiale, réalisé en 2015, montre le rôle important que joue la Poste Tunisienne en matière d’inclusion financière. Ce rôle pourrait être renforcé, notamment par le développement de services d’épargne encore plus adaptés à la demande.
La CDC pourrait jouer un rôle stratégique dans le développement de l’inclusion financière et de la mise en place d’une finance digitale assez solide. Son action pourrait être résumée comme suit:
– Nouer un partenariat fort avec la Poste Tunisienne;
– Œuvrer à la mise en place des politiques publiques adaptées pour développer de nouvelles offres pertinentes;
– Contribuer à la mise en place d’une infrastructure permettant le développement rapide de la Fintech;
– Soutenir l’action des IMF en fournissant le refinancement.
– Initier de nouveaux produits comme le «Fonds de garantie» pour les IMF ou le «Fonds dédié forêts» inscrit dans son action future destinée à ce secteur.
– Le mot de la fin…
Peut-être faut-il ajouter que l’ouverture sur l’Afrique entre dans les orientations stratégiques de la CDC, surtout que nous avons déjà entrepris d’autres actions telles que le lancement du fonds AFRICAMEN en octobre 2016 et la signature de l’accord multilatéral avec les Caisses africaines, lors de la COP22 à Marrakech, pour le lancement d’un réseau d’investisseurs africains autour du thème : « Mobilisation de l’épargne domestique pour une Afrique Zéro Carbone. »