Adoptées en 2005 par 150 pays, les IFRS (International financial reporting standards) sont des normes internationales d’informations financières. Elles sont destinées à standardiser la présentation des données comptables échangées au niveau international. L’adoption des normes IFRS est considérée comme un changement radical pour faire face aux risques comptables.
Pour rappel, en Tunisie, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a publié fin janvier 2020 une circulaire aux établissements financiers quant aux mesures préalables pour l’adoption des normes IFRS. Cette circulaire définit les mesures devant être prises par les banques et les établissements financiers pour conduire le projet d’adoption de ces normes. Et ce conformément à la décision de l’Assemblée générale du Conseil national de la comptabilité du 6 septembre 2018. Celle-ci a appelé les sociétés cotées, les banques et les établissements financiers, ainsi que les sociétés d’assurances et de réassurance à établir leurs états financiers consolidés selon les normes IFRS et ce à partir du 1er janvier 2021.
Toutefois, l’adoption de ces normes a déclenché un débat dans le monde de la financie. Certains sont pour l’adoption de ces normes et d’autres ont peur. Plusieurs acteurs appellent au report de l’implémentation de ces normes car certains dirigeants peuvent avoir peur de l’application de ces normes notamment l’IFRS 9. Celle-ci stipule des critères sévères.
Pour approfondir la réflexion autour de ce volet, l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) et Frenbach Luxembourg ont organisé ce mardi 06 avril à Tunis une conférence sur le thème de la « Transition du secteur financier vers les normes IFRS ».
Un système bancaire résiliant
Pour Mohamed Agrebi Président de l’APTBEF, la solidité financière est largement renforcée. Il a rappelé que le stress test conduit par la BCT durant le second semestre 2020 a démontré que les banques sont résilientes. Elles ont une assise financière pour appliquer aisément ces normes sans impact négatif sur les résultats financiers. « Nous avons toutes les chances d’appliquer ces normes dans les délais fixés », affirme le président de l’APTBEF.
Optimiste, Nabil Felfel, Directeur général de la supervision bancaire à la BCT, a rappelé que le stress test de la banque centrale a confirmé la pertinence du niveau de résilience du système bancaire tunisien. Parce que, dit-il, la « fonction risque » est dotée d’un niveau permettant de relever les défis.
« La BCT a un plan clair pour mener les banques vers ces normes. Nous sommes confiants en la capacité des banques et des établissements financiers à assurer la transition sans heurt », a-t-il encore assuré.
Ahmed Al Karm, président du directoire de l’Amen Bank considère que ceux qui appellent au report de l’application de ces normes ont tort parce que le stress test de la BCT a montré que les banques sont solides malgré les hypothèses pessimistes. Ahmed Al Karm a, en outre, appelé à accélérer le processus de l’application de ces normes parce que tout report aura des répercussions catastrophiques notamment après la dégradation de la note souveraine de la Tunisie. Cette note a provoqué des réactions négatives envers le système financier tunisien.
Défis et contraintes
Parmi les contraintes à l’application de ces normes, le membre du Conseil national de la Comptabilité Abderrazek Guebsi a pointé du doigt l’absence d’un texte légal qui oblige les banques et les établissements financiers à établir et à appliquer les normes IFRS.
Pour lui, les textes actuels ne sont pas suffisants. Il a recommandé de préparer un texte de loi et mettre en place une démarche claire. « Est-ce que les systèmes informatiques des banques sont préparés pour être conformes aux IFRS ? », s’interroge Abderrazek Guebsi qui a appelé à établir un bilan de transition, à identifier les éléments nécessaires pour les intégrer aux normes IFRS et à la réviser les panoplies des instruments financiers.
Abderrazek Guebsi a, en outre mis l’accent sur les difficultés de l’application de l’IFRS 9 et l’IFRS 17. Et ce, notamment au niveau des participations des fonds gérés par les banques. « Il faut intégrer des informations macroéconomiques anticipatives sur les comptes en souffrance, adopter une approche multi-scénario et une assistance assurée par des exports en la matière », a-t-il affirmé.
Double référentiel !
Du coté des experts comptables, Maher Guaida, vice-président de l’Ordre des experts comptables de Tunisie (OECT) a tenu à souligner que les états financiers ne répondent pas actuellement à la demande d’un marché financier hyper-bancarisé.
S’agissant des IFRS, ces normes ont posé un problème de stabilité de référentiel financier. L’application de ces normes pourrait aussi être perturbée par l’instabilité fiscale et avoir ainsi un double référentiel parce qu’il y a déjà en Tunisie un problème de lisibilité et de culture financière. Cela nécessite de préparer tout l’écosystème.
Hichem Zghal, Directeur général de Tunisie Leasing et Factoring rejoint l’avis Abderrazek Guebsi. Il a appelé à la nécessité d’avoir un cadre réglementaire relatif à l’application des normes IFRS en Tunisie. « L’implémentation de l’IFRS 9 constitue le principal challenge », a-t-il affirmé.
En guise de retour d’expériences en matière de transition vers les normes IFRS, Mme Moufida Hamza, Responsable Pôle financier à l’UIB, a fait savoir que la banque a déjà communiqué ses états financiers selon les normes IRFS. L’UIB a mis en place la gouvernance nécessaire pour le pilotage de l’application des normes IFRS. Tous les intervenants ont été intégrés dans le processus de la mise en place de l’implémentation de ces normes avec la clarification des instruments financiers selon le business model de la banque et en faisant les tests nécessaires. L’UIB a également a lancé un cycle de formation avec la participation de 18 collaborateurs (finances, risques…).
La banque a aussi œuvré à la fiabilité des données et des garanties parce que l’application des normes IFRS nécessite une bonne qualité des données (clients, contrats de location, instruments financiers…). Objectif : assurer la cohérence et définir le traitement comptable à opérer au niveau des clients de la banque.