Le recours grandissant par les pays de la Communauté européenne au gaz algérien, guerre en Ukraine oblige, incitera Alger à fournir davantage de gaz à l’Europe. Et ce, en cas de baisse des exportations russes. Une aubaine pour notre pays qui percevra une importante redevance pour le précieux gaz qui transite vers l’Italie par le biais du gazoduc traversant le territoire tunisien.
Décidément, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ainsi, depuis l’invasion de l’Ukraine par son puissant voisin russe, la question du gaz naturel est devenue un enjeu principal pour les Européens. Ces derniers ont décidé une batterie de sanctions à l’égard de la Russie. Par mesure de rétorsion, Moscou menace à son tour de couper le gaz.
Or, nous savons que le pays de Vladimir Poutine est le second producteur mondial de gaz derrière les États-Unis; mais est le premier pays exportateur au monde. En 2019, près de 38% du gaz consommé dans l’Union européenne provenait de Russie.
Une aubaine pour la Tunisie
Alors que faire? Se tourner naturellement vers le gaz algérien qui transite vers l’Italie par le biais du gazoduc transméditerranéen, (aussi appelé gazoduc Enrico Mattei). Lequel traverse 400km du territoire tunisien. Sachant que transport du gaz algérien est assuré, depuis 1983, par ce gazoduc. Et ce, en contrepartie d’une redevance de 5,25% sur le gaz transporté. Cette redevance est fournie à la Tunisie soit en quantités de gaz, soit en dollars.
Une aubaine pour notre pays. Car la redevance qui sera perçue par la Tunisie sur le passage sur son territoire du gaz naturel algérien vers l’Italie « rapportera, d’après les projections de 2022, environ 500 millions de dinars aux caisses de l’Etat ». C’est ce que déclarait la ministre de l’Industrie, des mines et de l’énergie, Neila Nouira Gonji. Elle s’exprimait ainsi, lors d’un entretien accordé lundi 28 février au quotidien arabophone Assabah. Et relayé le jour même par notre nos confrères de l’Espace Manager et de Webmanager center.
De plus, assure la ministre, « cette redevance, révisée à la hausse en 2019, assure 65% des besoins de consommation de la Tunisie en gaz naturel ».
L’Algérie prête à relever le défi
Sautant sur l’occasion, le prix du gaz naturel en Europe ayant bondi hier lundi de près de 50% et atteignant désormais 108 euros par mégawatt-heure, le géant public algérien des hydrocarbures Sonatrach se déclarait prêt à fournir davantage de gaz à l’Europe, en cas de baisse des exportations russes.
Sonatrach est « un fournisseur fiable de gaz pour le marché européen. Et il est disposé à soutenir ses partenaires de long terme en cas de situations difficiles ». C’est ce que précisait dimanche dernier son PDG, Toufik Hakkar, au quotidien francophone algérien Liberté.
Mais, a-t-il ajouté, des apports supplémentaires en gaz naturel ou gaz naturel liquéfié (GNL) restent néanmoins « tributaires de la disponibilité de volumes excédentaires après satisfaction de la demande du marché national » et des « engagements contractuels » envers les partenaires étrangers.
Toujours selon la même source, Sonatrach « dispose d’une capacité non utilisée sur le gazoduc transméditerranéen qui peut transporter jusqu’à 32 milliards de mètres cubes par an, quatre fois plus que le gazoduc Medgaz qui passe par le Maroc pour alimenter l’Espagne ».
En outre, « l’Algérie exporte un maximum de 22 milliards de mètres cubes via le gazoduc transméditerranéen. Ce qui laisse une capacité de 10 milliards de mètres cubes à exporter », a ajouté pour sa part à l’AFP l’ancien ministre algérien de l’Énergie Abdelmajid Attar.
Toutefois, a-t-il assuré, « l’Algérie ne pourrait pas à elle seule compenser la baisse d’approvisionnement en provenance de Russie». Estimant que son pays pourrait « fournir à l’UE deux ou trois milliards de mètres cubes de plus au grand maximum ».
Sachant que l’Algérie prévoit d’investir 40 milliards de dollars entre 2022 et 2026 dans l’exploration, la production et le raffinage de pétrole; ainsi que dans la prospection et l’extraction de gaz.
Enjeu stratégique
Rappelons, enfin, que c’est dans ce contexte que s’inscrit la visite à Alger du ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, hier lundi 28 février. Lequel n’a pas caché qu’il va discuter avec les autorités algériennes la possibilité d’augmenter, dans les meilleurs délais, leurs livraisons de gaz à l’Italie, à travers le gazoduc traversant la Tunisie. Et ce, « pour répondre aux besoins européens de sécurité énergétique, à la lumière du conflit en Ukraine ».