Jamais l’issue de l’élection présidentielle française n’a semblé aussi incertaine que lors de ce tour de scrutin. A première vue c’est une course en duo entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour de l’élection. Le président sortant domine toujours nettement au premier tour. Les intentions de vote pour lui se stabilisant à 28%. Mais le fort élan qu’il a connu dans le contexte de l’ouverture du conflit russo-ukrainien s’est aujourd’hui presque entièrement évanoui.
Après le succès en Europe de dirigeants d’extrême droite comme Orban et Vucic respectivement en Hongrie et en Serbie, l’ombre d’un passage au second tour de Marine Le Pen plane sur l’élection française.
Son passage au second tour serait déjà considéré comme un coup de hache sur la stabilité démocratique du pays. Ainsi qu’une nouvelle fracture européenne avec l’émergence d’un autre candidat d’extrême droite. Pourtant, la montée en puissance de Marine Le Pen, du moins dans les sondages, est désormais évidente. Quelques jours après le premier tour, elle n’est plus qu’à trois points de pourcentage d’Emmanuel Macron au second tour.
Aussi, Emmanuel Macron voit s’évanouir ce que les sondeurs ont surnommé « l’effet drapeau ». Le conflit russo-ukrainien est retombé à la douzième place des préoccupations françaises. Cependant, Emmanuel Macron peut encore compter sur le soutien de près des deux tiers de ses électeurs en 2017 (65%). Mais aussi sur le renforcement de 31% des électeurs de François Fillon en 2017.
Aujourd’hui pourtant, seuls trois points de pourcentage séparent le chef de l’Etat de la président du Rassemblement National. C’est ce qui ressort du dernier sondage Harris Interactive. Macron est ainsi crédité de 51,5% et Le Pen de 48,5% d’intentions de vote.
C’est la première fois depuis le début des mesures de vote que les deux « finalistes » de 2017 sont si proches. En mars dernier, le duel oscillait encore entre 53 et 47%. En un mois, le président de la République a perdu près de 6,5 points de pourcentage au second tour en cas de tête-à-tête avec Marine Le Pen.
Mélenchon s’accroche
Mais il n’y a pas que Marine Le Pen dans la course. Même Jean-Luc Mélenchon, leader des Insoumis et de la coalition Union populaire de la gauche, peut encore avoir son mot à dire. Sa candidature est aussi moins éloignée du Kremlin qu’on ne le pense.
Dans les différents débats auxquels Mélenchon a participé, tout en dénonçant l’agression russe, il a souvent pointé du doigt les erreurs de l’OTAN et des États-Unis. Il s’est toujours dit contre l’envoi d’armes à la résistance ukrainienne. A quelques jours du premier tour, en pleine guerre russo-ukrainienne, la campagne des Insoumis perce aussi ceux qui sont dans l’orbite du pacifisme et de l’antiaméricanisme.
Bref, les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon commencent à y croire. Plus de 2 000 personnalités du spectacle et de la télévision ont soutenu le candidat de l’Union Populaire. Parmi eux, des artistes, acteurs, écrivains et réalisateurs, qui ont invité à voter pour Jean-Luc Mélenchon dans une déclaration commune. Chose assez singulière dans l’histoire politique française récente.
« Des militants d’autres partis de gauche commencent à nous rejoindre. Ils ont compris que le vote utile au premier tour, c’est Mélenchon », disent-ils depuis l’état-major du candidat Mélénchon.
« La renaissance de Jean-Luc », écrit Le Monde. Le journal voit le candidat de la gauche Union populaire en plein essor. Et même en position de créer quelques problèmes à Emmanuel Macron. Pour les sondages Jean-Luc Mélenchon, candidat de l’Union Populaire, reste ferme à la troisième place. Avec un pourcentage stable (15,5%), en légère hausse (+0,5) ces derniers jours. Mais il pourrait créer la surprise dans les dernières heures.
Le spectre de l’abstention
Toutefois, ce qui inquiète les analystes et les partis modérés en général, c’est l’abstention. Elle pourrait favoriser les deux formations d’extrême droite et de gauche et défavoriser Macron. Le taux de participation à l’élection présidentielle est estimé à 66% des inscrits sur les listes électorales.
Si ce chiffre se confirmait le 10 avril, ce serait une baisse de près de 12 points par rapport à la participation enregistrée au premier tour de 2017 (77,8%). Si le seuil symbolique des 30% était dépassé, un taux d’abstention record pour une élection présidentielle serait battu. Et le précédent de 2002 (28,4% d’abstention) serait dépassé.
Selon l’analyse du journal économique Les Échos, traditionnellement moins mobilisés pour voter, 50% des jeunes de moins de 35 ans participeraient à ce premier tour de scrutin. De même, un taux de participation plus faible a également été observé parmi les classes populaires (60%).
Politiquement, la participation serait plus faible chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qu’en 2017. Mais elle serait tout de même supérieure à la moyenne, soit 69%. Néanmoins, un fait peut changer la course électorale, dans le dernier virage.
Car, selon un sondage Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès et le journal Le Monde, un tiers des électeurs hésitent à aller voter. Et sur les deux tiers restants, 37% disent pouvoir changer d’avis. Le résultat est ce que les analystes appellent « une grande volatilité électorale ».