Cela fait plus de deux semaines que le bras de fer continue entre le ministère de l’Education et le Syndicat de base de l’enseignement relevant de l’UGTT. On ne peut reprocher ni à l’actuel ministre, ni au syndicat l’aggravation de la situation. Bref, c’est tout le système éducatif qu’il faut revoir en profondeur. Le classement de la Tunisie en matière d’éducation en est la preuve.
En 2012, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves ( PISA ), qui évalue la performance des pays en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences, a classé la Tunisie dernier de la classe, au 59ème rang sur une liste de 65 pays.
A qui la faute ? Aux parents, aux enseignants ou à l’Etat. Face à la dégradation du pouvoir d’achat de la classe moyenne, la qualité de l’enseignement est-elle aujourd’hui au sommet des priorités des enseignants ? L’Etat peut-il satisfaire toutes les revendications financières des enseignants ? La raison de la colère des enseignants est-elle légitime ?
Aujourd’hui, les cours particuliers sont devenus une nécessité pour les enseignants et les élèves. Selon des estimations dévoilées par le directeur de Sigma Conseil, Hassen Zargouni, 20 000 enseignants assurent des cours particuliers. Il a évalué les recettes mensuelles en moyenne par enseignant de l’ordre de 2000 dinars (avec une variation de 2000 à 10 000 dinars).
« Si les enseignants qui assurent des cours particuliers étaient assujettis à la retenue à la source fiscale de 15% (je ne compte pas les charges sociales…), ils pourraient à eux seuls assurer l’augmentation de salaire demandée par leur syndicat », a-t-il affirmé.
Erreur de diagnostic : si ces chiffres ont été avancés pour prouver que les enseignants ( ne sont pas les moins payés parmi la classe moyenne) sont capables d’affronter les charges grandissantes de la vie quotidienne on renvoie à la nécessité d’imposer une retenue à la source sur les cours particuliers, il ne faut pas, dans ce cas, oublier d’abord qu’aucune loi n’interdit les cours particuliers en Tunisie.
Deuxièmement, les enseignants sont des contribuables assidus, en comparaison à d’autres corps de métier où l’on gagne beaucoup plus. Si un jour on devait assujettir les enseignants d’ impôts sur les cours particuliers, il faudrait dans ce cas appliquer l’équité fiscale aux médecins, aux avocats…
Le volet financier serait au cœur du blocage entre le ministère et le syndicat. La masse salariale prévue par le budget de l’Etat pour l’année en cours est de 11 197 millions de dinars, soit environ les 40% du budget total. Cette masse salariale a aidé le ministère de l’Education, lors des négociations, à faire de l’incapacité financière de l’Etat à satisfaire les augmentations salariales revendiquées ( estimées à 205 millions de dinars) par le Syndicat de base de l’enseignement secondaire, un talon d’Achille,. En outre le Budget 2015 prévoit un montant de 3820 millions de dinars pour le seul ministère de l’Education, le plus élevé de tous les autres ministères.
Le mal est plus profond. Le bras de fer entre le ministère de l’Education et le syndicat de l’enseignement n’est que la partie émergée de l’iceberg. Tout le système est défaillant.
N.Jalloul: L’éducation est dans une situation chaotique, c’est un problème d’infrastructure et de formation #Jeunesse #TnARP
— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 3 Mars 2015
Selon un récent rapport national, le secteur de l’éducation nationale souffre de l’improvisation et de la confusion dans la conception des programmes, du peu d’encadrement des enseignants, de la difficulté d’appliquer l’obligation scolaire, de la lourdeur des programmes en termes d’heures et de matières, d’une infrastructure en cours de délabrement.
Le rapport signale également l’absence quasi-totale d’activités culturelles et de distractions. L’espace scolaire est ainsi saturé d’ennui et de contraintes peu propices à l’épanouissement des élèves.
Le rapport a également évoqué le phénomène de la violence dans l’espace scolaire qui ne cesse de s’amplifier : 8000 cas enregistrés en 2014, entre violence verbale et agressions physiques, surtout à l’encontre des enseignants. Au moment de l’écriture de ces lignes, nous avons appris qu’une enseignante a été gravement blessée par des jets de pierres lancés par ses élèves.
Selon une enquête réalisée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, la dégradation de la relation entre élèves et enseignants concerne ¾ d’un échantillon de 601 cas de déscolarisation.
Certes, comme pour beaucoup d’autres domaines, la réforme de l’enseignement doit être une priorité pour le gouvernement au cours du prochain quinquennat.