Foin d’incantation officielle alors que le pays sombre dans les méandres d’une agitation sociale chaotique. L’emploi, l’économie tunisienne, l’avenir même sont pris en otage par une explosion de revendications corporatistes comme on n’en a jamais connu. Plus rien, ni personne ne semble pouvoir l’arrêter, pas même tempérer le niveau d’exigences brandies comme autant d’ultimatums à la face de l’Etat.
Rarement, nous avons vu représentants du gouvernement en si grande difficulté et en si mauvaise posture, subissant les pressions, le diktat même de cadres syndicaux déterminés, sûrs d’eux-mêmes et dominateurs. Le ministre de l’Enseignement, puisque c’est de lui dont il s’agit aujourd’hui, par inexpérience ou par manque de conviction, avait brûlé ses propres vaisseaux avant même d’engager des négociations qui n’en sont pas. On sentait, dès le départ, que la balance allait pencher du côté du syndicat, en raison de la faible opposition et du manque de détermination d’en face. La logique d’affrontement du syndicat avait fini par l’emporter sur celle de l’apaisement que défendait à reculons le ministre de l’Enseignement, cueilli à froid et de surcroît mal ou pas du tout secondé dans cette épreuve.
L’enseignement, à tous ses niveaux, ce haut lieu de la connaissance, ce sanctuaire des valeurs républicaines, tombe de son piédestal et perd sa sacralité au profit d’obscurs enjeux, plus politiques que matériels ou professionnels. La République se fissure tout autant que l’Etat, sous les assauts de ses propres serviteurs, les gardiens du temple et de la morale républicaine.
Le premier pilier, la matrice même de l’Etat-nation, vacille après que le vent de la contestation s’était déjà abattu sur le transport public, la santé et l’industrie minière, occasionnant des dégâts irréversibles.
Plus aucune ligne rouge n’est infranchissable, plus aucune barrière ne vient désormais s’interposer entre des demandes sociales portées à incandescence et une offre politique bridée par d’incontournables contraintes budgétaires et financières. Que l’Etat – ses entreprises aussi -ait les moyens de répondre aux exigences de ses employés ou qu’il doive courber l’échine, réduit qu’il est à la mendicité internationale pour payer ses propres fonctionnaires, qui ne brillent pas par leur exemplarité, importe peu aux militants enflammés de la centrale syndicale.
Où allons-nous ? Que pouvait-on espérer de cette pratique de la terre brûlée, de ce comportement suicidaire ? Regrettons, au passage, le silence assourdissant à cet égard de ces lanceurs d’alerte, si prompts à s’émouvoir et à dénoncer à raison l’inégal développement des régions et la fracture sociale qu’aggrave précisément cette déferlante de revendications sociales. Comparés aux sans-emplois et aux soutiers d’une croissance devenue atone, les enseignants s’apparentent à une caste privilégiée, à une véritable aristocratie ouvrière, quand bien même ils subissent une sorte de régression sociale : le choc de la révolution est passé par là.
Voilà qui place l’Etat en situation – qui lui fait même obligation – de sévir davantage qu’il ne le fait aujourd’hui contre les délinquants financiers et les fraudeurs du fisc qui ne participent aucunement à l’effort de solidarité nationale. Si sacrifice il y a, et on voit mal comment on y échapperait, il doit être équitablement partagé. Se soustraire à ses obligations fiscales et civiques relève aujourd’hui d’actes criminels. Surtout que les caisses de l’Etat sont vides, que le terrorisme fait autant de victimes humaines que de dégâts dans la marche de l’économie, que la pauvreté, la misère et la désespérance humaine gagnent chaque jour plus de terrain.
Le pays est en état de guerre contre le terrorisme, il en a déjà payé un lourd tribut en vies humaines et en pertes de production et d’emplois. Une guerre qui sera longue, meurtrière et coûteuse. Alors, il faut se rendre à l’évidence, à la guerre comme à la guerre. Rien de ce qui peut affaiblir notre capacité de riposte sécuritaire et de redressement économique ne peut être toléré. Le gouvernement serait bien inspiré de décréter l’état d’urgence économique pour arrêter l’hémorragie des finances publiques exsangues, sauvegarder nos entreprises publiques, désormais sous perfusion et enrayer le déclin de l’économie.
Point d’écarts sémantiques ou autres, de surenchères politiques ou syndicales de nature à entraver l’essor de l’économie ; ils peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. Nécessité fait loi. D’autres que nous, autrement plus puissants et plus enracinés dans la démocratie, usent de moyens conséquents dans le respect du droit pour lutter contre le terrorisme et sécuriser leur économie. Nous devons, à notre tour, proclamer une sorte d’union sacrée, pour ne pas affaiblir le front intérieur, en attendant des jours meilleurs. Les Tunisiens comprendront et sauront séparer le bon grain de l’ivraie.
Il est, en effet, des revendications et des comportements qui soulevaient déjà un certain nombre de réserves en temps normal ; ils ne se justifient plus – et seraient même répréhensibles – dès lors qu’ils fragilisent l’économie et affaiblissent le pays dans sa lutte contre le terrorisme.
Ce combat, cette guerre totale, n’est pas exclusivement d’ordre sécuritaire et militaire. L’issue dépend aussi de notre capacité à redresser l’économie, à retrouver les sentiers d’une expansion forte et durable, aux dividendes équitablement répartis. Chaque point de croissance supplémentaire fait reculer le chômage, redonne espoir aux jeunes et sème le désarroi dans les rangs des terroristes.
Et ce n’est pas s’attaquer au droit syndical et aux libertés que d’appeler à une accalmie sociale – simple parenthèse pour mieux rebondir – et à un sursaut national pour protéger le pays d’attaques terroristes et l’économie de dérapages sociaux. L’impératif de sécurité nationale et l’enjeu économique lui font obligation de développer un discours et une pédagogie en la matière, au besoin, en élevant la voix et en faisant preuve de fermeté et de détermination. Les grèves à répétition, qui se propagent comme une traînée de poudre, sans que l’on sache pourquoi maintenant et avec une telle vigueur, les sit-in pour occuper les usines et barrer les routes sont aujourd’hui autant de coups durs portés au processus démocratique.
Tout n’est pas possible aujourd’hui, mais tout pourra le devenir quand on aura terrassé le terrorisme, assaini nos entreprises publiques – si tant est que cela soit encore possible -, mis à niveau notre appareil productif et allumé tous les moteurs de la croissance. D’ici là, le gouvernement doit montrer le cap, tenir son rôle contre vents et marées, prendre appui sur ce sentiment national antiterroriste pour se faire entendre et respecter. Et affirmer son autorité pour ne pas ajouter le désordre à l’insécurité dont celle-ci se nourrit. S’il est pour l’heure une seule décision à prendre, elle doit aussi avoir pour effet de sécuriser l’instant présent, tracer une perspective et préserver nos chances de développement pour demain. Il n’y a rien de mieux, et de plus difficile, à faire dans l’immédiat que de rétablir la confiance et donner l’envie d’investir, d’innover et de créer. De partout, on perçoit la même demande : restaurer la crédibilité et l’autorité de l’Etat – républicaine s’entend – autant dire la force de la loi car sans règles, il ne peut y avoir, à la longue, de démocratie et moins encore de motivation pour stimuler l’investissement. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il nous faudrait rattraper quatre années perdues, pour rien, sacrifiées sur l’autel des rivalités politiques et idéologiques qui ont jalonné et marqué l’interminable processus de transition politique. Il faut beaucoup de temps, d’énergie, de labeur et de sacrifices, pour solder le coût en termes d’emplois détruits et de marchés perdus, durant ces années d’apprentissage politique et démocratique.
La Tunisie a perdu son rang et beaucoup de sa crédibilité économique et financière, même si elle a réussi à réenchanter le monde par sa transition démocratique, sans hélas en retour un grand apport financier international. Le pays risque, à défaut de construire et d’instituer un véritable dialogue social et une paix civile, de perdre l’essentiel : il ne tiendra plus alors son destin en main. Aucun des défenseurs de la liberté et des militants pour une croissance forte, durable et inclusive ne voudrait de cette triste perspective.
Sans aucun doute la situation économique en Tunisie a joué un rôle, dans cette pénible affaire qu’est le terrorisme, dont la Tunisie est devenue malfamée dans le monde !
Rien ne sert de pointer du doigt , la meilleure solution est que tout le monde la main dans la main oeuvre pour sortir la Tunisie de ce marasme , si on y tient à son pays comme à sa famille , les Tunisiens sont obligés de réussir , ils étaient les premiers à montrer le chemin aux autres et leur dire qu’on peut si on veut
Ces multitudes de revendications sociales sont la preuve de l’échec de la classe politique toutes catégories confondues à répondre aux besoins des classes populaires.Les partis politiques, y compris l’UGT, n’arrivent plus a encadrer les masses populaires et à les maitrise. Toutes ces catégories sociales ont bien compris que ces politiciens en carton et toutes les formes du pouvoir, continuent à se foutre d’eux.Ils tiennent à vivre et s’en foutent du pays. Ils en ont assez qu’on leur demande toujours à eux en particuliers de faire des sacrifices, et ne demande jamais rien.