(…) Partie de moins de 40%, en 2010, la dette culmine aujourd’hui à plus de 53% et le plus dur reste à venir. C’est tout juste si le montant de nos emprunts pouvait honorer le service de la dette, intérêts et principal.
Comment, dès lors, envisager l’avenir de la Caisse générale de compensation ( CGC ) et de cette cohorte de fonctionnaires qui se préparent à de nouvelles conquêtes salariales?
La course effrénée aux crédits extérieurs, devenue un vrai sujet de préoccupation pour l’Etat, au point de paraître comme une véritable fuite en avant, a ses propres limites et ne peut aboutir… L’Etat serait en revanche bien inspiré de retrouver la taille et les fonctions qui doivent être les siennes, pour ne pas obérer nos chances de développement.
Il doit dégraisser le mammouth et contraindre ses propres entreprises à des obligations de résultat et de stricte compétitivité, sans qu’il soit obligé de cautionner et de valider leur sureffectif, leur inefficacité et leur inefficience. S’il n’y parvient pas, il sera acculé à le faire dans les pires des conditions par les bailleurs de fonds, soucieux de leurs propres avoirs.
L’Etat doit s’interroger sur ses capacités de remboursement actuelles et futures, avant de solliciter de nouveaux crédits. Le FMI n’a pas encore versé la dernière tranche du crédit de 1,7 milliard de dollars – notre peu d’empressement à réformer est passé par là – que déjà il est de nouveau fortement sollicité pour un nouveau crédit de 2,8 milliards de dollars, étalé sur quatre années. Le fait est que la plupart des organismes financiers internationaux sont appelés au chevet du pays malade de son économie et de ses troubles sociaux qui n’en finissent pas.
S’ils sont moins réticents que le FMI, les bailleurs de fonds qui nous soutiennent tels que la BEI, la BM, la BAD, le FADES, pour ne citer que ceux-là, n’en sont pas moins exigeants. Les pays frères et amis sont tout aussi regardants. Tous veilleront à ce que l’argent de leurs contribuables soit utilisé à bon escient.
La dette – extérieure notamment – est-elle encore soutenable?
La question mérite d’être posée. Dans l’état actuel du dérapage salarial dans le budget de l’Etat et du délabrement des entreprises publiques, qui cumulent des déficits de plus de quatre milliards de dinars, sans compter le manque à gagner de celles qui n’ont pas encore déposé les armes et qui se chiffrent à plusieurs millions de dinars, notre dette extérieure serait à la limite de la soutenabilité. Surtout avec l’effondrement des recettes touristiques et le recul des exportations.
On imagine les difficultés qu’il y a à poursuivre dans cette voie sans issue. Le voudrions-nous qu’il nous serait impossible d’aller encore beaucoup plus loin, sans avouer notre incapacité à faire face à nos engagements financiers.
La dette extérieure est aujourd’hui à sa cote d’alerte. Vouloir rompre le plafond de verre de la dette extérieure conduirait à un véritable désastre et briserait à jamais les ressorts de la croissance et du développement.
L’Etat a-t-il encore le droit, même s’il en a le pouvoir, d’endetter davantage le pays – avant de le réformer et de le remettre en ordre de marche – au risque de briser le rêve des jeunes générations qui en supporteront le fardeau?
Il ne peut aujourd’hui s’empêcher de se passer de ce genre de questions pour ne pas s’exposer aux critiques et aux accusations. Le mieux, pour le pays, est d’engager les nécessaires réformes structurelles, fussent-elles douloureuses, pour rompre avec l’enchaînement infernal de la dette et retrouver les chemins du cercle vertueux d’une croissance inclusive. Aux grands maux, les grands remèdes. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Le gouvernement doit décréter l’état d’urgence économique, imposer une trêve sociale et une accalmie salariale, alléger le poids de la CGC et repenser la gestion des entreprises publiques.
Jadis, le processus de privatisation dans le sillage du Programme d’ajustement structurel -1986 – nous avait valu 1 à 1,5 point de croissance supplémentaire par an. Aujourd’hui, le maintien de ces entreprises – les choses étant ce qu’elles sont – dans le giron de l’Etat nous prive de plus d’un point de croissance par an.
Le gouvernement doit décréter l’état d’urgence économique, imposer une trêve sociale et une accalmie salariale, alléger le poids de la CGC et repenser la gestion des entreprises publiques.
A peu de choses près, la dette extérieure, contractée au cours de ces cinq dernières années, équivaut au cumul des pertes et des manques à gagner des entreprises publiques. Sans compter le fait qu’on a dû, dès 2011, casser la tirelire et puiser dans la cagnotte, réservée pour des temps plus lointains.
La coalition des partis politiques au pouvoir, l’opposition, la société civile, si promptes à dénoncer le recours à l’endettement extérieur devraient en consentir le prix : soutenir pleinement le gouvernement dans son effort de mettre plus de cohérence dans ses choix et sa politique.
Celui-ci doit impérativement et au plus vite partir en guerre contre les déficits et les déséquilibres que rien ne justifie, résister aux assauts de ses salariés et surmonter les réticences des professions peu soucieuses de leur devoir envers le fisc et donc envers la collectivité nationale.
Les formations politiques – et les autres – doivent le soutenir sans hésitation aucune dans cette entreprise, même si les réformes s’en prennent aux privilèges et aux rentes de situation de leur réservoir électoral. Sans quoi, l’argent qu’on pourra encore emprunter aujourd’hui, au prix de multiples contorsions politiques et diplomatiques, sera la source demain d’instabilité politique et sociale, d’insécurité et de déclin économique.