Le Premier ministre David Cameron s’est adressé aux Britanniques quelques minutes après l’annonce des résultats définitifs du référendum.
Visiblement secoué par le vote favorable à la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, il s’est incliné devant la décision des citoyens à qui il a annoncé sa démission du poste de Premier ministre. Il a toutefois précisé qu’il restera en poste jusqu’à l’automne prochain, le temps pour le parti conservateur de tenir sa conférence en octobre prochain et de choisir un nouveau leader.
David Cameron s’est efforcé de rassurer les milieux d’affaires, les trois millions d’Européens qui vivent en Grande-Bretagne et les deux millions de Britanniques qui vivent en Europe que rien ne changera dans l’immédiat, que les personnes, les services et les marchandises continueront de circuler comme avant jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement se mette en place en automne pour négocier le divorce entre le Royaume Uni et l’Union européenne.
La victoire des Eurosceptiques dans le référendum a mis le Premier ministre britannique dans une situation intenable où il n’avait d’autre choix que de démissionner. Après avoir fait campagne pour le « oui », après avoir mis en garde ses concitoyens sur les « dangers » multiformes qui guettent la Grande-Bretagne dans le cas où elle déciderait de tourner le dos à l’Europe, David Cameron ne peut pas se permettre de mener les négociations de divorce avec l’Union européenne. Il n’a ni l’autorité morale ni la force politique pour le faire.
[raside number= »2″ tag= »Union européenne »]
Après s’être « auto-éjectée » de l’UE, la Grande-Bretagne se trouve profondément divisée (52% contre 48%) entre Eurosceptiques qui jubilent de s’être enfin débarrassés du « boulet européen », et Eurofervents inquiets pour leur pays, leur économie et leur sécurité fragilisés par le séisme de sortie de l’Europe dont « les gravats prendront des années pour être déblayés », selon la formule du quotidien britannique « The Guardian ».
Les partis populistes et d’extrême droite qui étaient le fer de lance de la campagne « non à l’Europe » ont su exploiter avec une efficacité déconcertante le sujet auquel les Britanniques sont le plus sensible : l’immigration. David Cameron et ses collaborateurs ont désespérément tenté de ramener le débat sur les avantages économiques de l’appartenance à l’UE. En vain. La majorité des Britanniques n’avaient d’ouïe que pour les orateurs qui pourfendent l’immigration et les immigrés. Même l’assassinat en pleine rue de Joe Cox, la parlementaire qui défendait l’immigration et le multiculturalisme, n’a pas réduit l’attention dont bénéficiaient les chefs populistes de la part des citoyens britanniques.
Pour les millions de Britanniques qui ont voté pour le divorce, c’est l’Union européenne qui, par son expansion vers l’Est, est responsable de la ruée de centaines de milliers d’Est-européens vers la Grande Bretagne (rappelez-vous la fameuse controverse il y a quelques années sur le plombier polonais) ; c’est l’Union européenne qui est responsable de la pression sur l’emploi et les salaires ; c’est l’Union européenne qui est responsable de la pénurie des places dans les maternelles et les écoles primaires etc.
L’autre élément qui a été déterminant dans la victoire du « non à l’Europe » est « le profond dégoût » que ressentent les Britanniques envers Bruxelles. La capitale belge, du fait qu’elle accueille la lourde bureaucratie européenne, est devenue un véritable défouloir sur lequel les Britanniques mécontents déversent leur frustration et leur mauvaise humeur.
Bruxelles justement est sous le choc en ce vendredi 24 juin que beaucoup qualifient de vendredi noir pour l’Europe. Le divorce avec la Grande-Bretagne intervient au pire moment, à un moment où l’UE plie sous le poids d’une multitude de crises : Grèce, Ukraine, réfugiés, insécurité, terrorisme. Mais le plus terrible c’est la conscience au sein de la bureaucratie bruxelloise que, depuis sa création en 1957, le projet européen n’a jamais paru aussi réversible qu’en ce vendredi 24 juin.
Au sommet européen prévu les 28 et 29 juin prochain (où les 28 membres ne seront plus que 27), la question existentielle à laquelle l’UE aura à répondre est : comment éviter la contagion à un moment où les Hollandais parlent déjà de » Nexit » et les Danois de « Dexit ».