Il y a tout juste une semaine, Kamel Daoud, l’auteur de “Meursault, contre-enquête” ( Prix Goncourt 2015), qui lui a valu une consécration internationale, était dans nos murs pour présenter son nouveau livre édité par Cérès, “ Je rêve d’être Tunisien”, le tout nouveau recueil rassemblant les textes (tunisiens) associés à une sélection de ses célèbres chroniques ( 134 pages). A travers ce livre, il porte un regard de lucidité sur les événements, entre le 14 janvier et l’infini, ou encore celui du rêve tunisien dans le cauchemar arabe, la révolution est tunisienne et la solution aussi….
Quand on rencontre Kamel Daoud, l’on ne peut s’empêcher de lui poser la question : « Pourquoi rêvez-vous d’être Tunisien ? » La réponse est dans le livre. Pour Kamel Daoud, être Tunisien c’est d’abord être libre et tout est dit ou presque. Rencontré lors du débat organisé par Cérès, avant la dédicace de son livre, Kamel Daoud évoque pêle-mêle le printemps arabe, la démocratie dans le Maghreb, l’identité …
Pour Kamel Daoud, « il s’agit d’un recap de lucidité que j’essaie d’avoir. Je répète souvent que le mal n’est pas la révolution, mais ce qui pousse les gens à faire une révolution. Si les gens avaient la liberté, la sécurité, le confort et la justice, pensez-vous qu’ils descendraient dans la rue pour manifester ? », nous confie l’auteur.
C’est donc parce que les gens vivent dans l’injustice qu’ils descendent dans la rue. A juste titre, il souligne : « La révolution ce n’est pas le mal. C’est ce qui la rend inévitable ».
Selon l’auteur, il faut faire un diagnostic sur ce qui s’est passé dans le monde dit “arabe”, en déclarant : « Il faudrait que l’on comprenne la situation, pourquoi cela prend-il du temps pour certains pays et pas pour d’autres ? ».
D’autres questions se bousculent dans l’esprit du chroniqueur : ne faudrait-il pas faire de révolution culturelle permanente, en construisant des écoles, en réformant le programme scolaire, en soutenant le livre en fondant une culture de débat ?
Ces questions doivent nous obliger à réfléchir, affirme l’intellectuel , tout en poursuivant: « Pourquoi en Syrie ça se passe ainsi, en Libye autrement ? »
Il ajoute: » Je porte un jugement positif sur le monde arabe. Je sais que c’est douloureux pour certains, tragique pour d’autres. Or ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’histoire qui est en marche, même si parfois elle marche sur des cordes ».
Si on parle de démocratie
Il commence par définir ce qu’est le consensus. En Algérie ou ailleurs, nous vivons la loi comme quelque chose qui nous a été imposée. Or la première réaction est comment contourner la loi de l’automatisme “d’el Hakem” ( les autorités) qui n’est pas née par consensus. » Si on rédigeait une loi pour que personne ne fume dans la salle, serait-elle suivie ? Mais si el Hakem l’ impose, personne ne fumera ».
Il ajoute: « On me reproche souvent d’être polémiste, alors que je ne le suis pas. Je pense que ma vie est très courte et je n’ai qu’une seule vie. Si j’en avais deux : l’une serait consacrée à réfléchir et l’autre à m’amuser. Je suis obligé de parler de sexualité, le rapport à la femme, le rapport à notre propre histoire au réel… Il faut se poser les vraies questions…. »
Et de poursuivre: « Il faut redéfinir ce qu’est le vivre-ensemble ou encore quel est le but d’être Tunisien ou Algérien ? Pour moi, c’est être indépendant, être heureux . Or j’aime réfléchir sur le concret, l’urgent et sur le réel. » Sur la démocratie, il estime : « ça se construit. Si on fait le catalogue de nos dénis et de nos lâchetés …. Oui la démocratie se construit et nous sommes tous responsables », conclut-il.
Quant à ses ses succès, il réplique : « Je crois que l’échec est difficile mais le succès est encore plus difficile ».