« A vous entendre j’ai eu froid au dos » s’écria un invité à la clôture de la table ronde, organisée par le centre arabe des recherches et de l’étude des politiques , vendredi dernier, pour traiter de la récente dépréciation du dinar.
Point de commentaire, juste une expression de l’impact que le magistral tour de micro entre les mains de spécialistes a eu sur eux. Un sentiment partagé tant les propos avancés et particulièrement les découpages effectués avec force de chiffres et tableaux de représentations ont été clairs et conséquents. Plus de deux heures de communications pour cerner une situation économique poussée dans ses derniers retranchements. Quelques notes d’un discours académique de haute volée à propos d’un dinar « en piètre » situation, de l’avis de tous.
Quand le dinar ne va pas bien, rien ne va…
D’emblée, la barre fut placée à hauteur de l’appréhension générale. Le dinar ne va pas bien. Plus encore, il se trouve dans une position, de l’avis des spécialistes, très peu enviable et annonciatrice d’une suite en dents de scie qui ne feront ’assombrir davantage les horizons. Le dinar, héros désolé de cet acte de notre société, avec ses 8,1% de dépréciation jusqu’au mois d’avril par rapport à l’euro et ses 4,2% pour le dollar. Comme pour ancrer cette « traversée du désert », il a encore dérapé entre le 18 avril et le 3 du mois courant, affichant 3% pour le dollar et 4,8% pour l’euro.
Moez Toumi de l’IHEC Carthage et président de la table ronde a brossé un tableau exhaustif de la situation à laquelle est arrivé le dollar en faisant valoir les implications et les conséquences. Bien que le thème du fait de l’extrême technicité de son contenu soit rebelle aux manœuvres de vulgarisation, il est arrivé à cerner les principaux facteurs et à en communiquer l’essentiel par le biais particulièrement d’une lecture macroéconomique de certains indicateurs de change. Le diagnostic est on ne peut plus clair : la situation économique –la nôtre bien entendu – n’est pas au meilleur de sa forme pour ne pas utiliser un autre objectif à caractère « patibulaire ».
L’unité monétaire pour tout pays est le reflet du vécu économique
Expliquant la position actuelle du dinar, il a souligné » l’unité monétaire pour tout pays ne peut être que le miroir reflétant le vécu économique. Par conséquent, il s’agit d’une interaction entre la sphère monétaire et la sphère réelle. Les indicateurs économique en relation avec la valeur du dinar sont nombreux dont la valeur du prix de change, les taux d’intérêt de la Banque centrale, les problème des finances publiques. « Certains, a-t-il dit, font miroiter l’hypothèse de la planche à billets. C’est aberrant car le procédé de planche à billets comme on sait consiste dans l’injection de billets sans contrepartie ni remboursement est un leurre à application presque impossible ».
Parole fut donnée ensuite aux intervenants invités à la table ronde. Constat et données de fondement et diagnostic ont été , avec des variétés techniques, les mêmes.
Se limiter au « réchauffé » comme modèle de développement, telle est la faute à ne plus commettre
Les causes qui ont amené à ce seuil –alarmant- de dépréciation du dinar sont multiples. Toutefois, on peut, selon Elies Fakhfakh, répertorié les plus importantes en trois groupes. Le structurel d’abord qui a fait que la régression remonte à plus de 10 ans manifestée, entre autres, par la stagnation du secteur touristique depuis 2010 particulièrement. Le conjoncturel ensuite qui a enregistré un impact fort sur le dinar à 7% en plus du recul manifeste de l’exportation du phosphate (de 8 million de tonnes à 2.5).
Une politique de fuite en avant en a été la conséquence. L’amertume a été de découvrir que notre modèle de développement a subi l’épreuve du temps et la morosité a été de nous découvrir, comme a dit M. Fakhfakh, contraint « à faire du réchauffé ». L’impressionnisme, enfin, celui lié à l’humeur, s’est manifesté par la dérive de certaines déclarations à propos de la situation économique et financière surtout par rapport à la dépréciation du dinar. Ceci en plus de la pression exercée sur la BCT pour conserver un tant soit peu la préservation du système et son indépendance en ce qui concerne la politique monétaire.
L’exportation comme seule alternative
Il a été rappelé que le taux de dépréciation du dinar était faible avant 2011 et cela a été comme l’a démontré avec force détails Fatma Charfi, enseignante universitaire, la concrétisation d’une politique délibérée servant des objectifs économique déterminés. Après 2011, la dépréciation a continué mais cette fois avec des taux élevés. Tout ceci avec des besoins de financement plus accentués. Les déficits dits « jumeaux » se sont creusés davantage en filigrane de l’accentuation des problèmes de croissance. Et l’inflation de s’afficher de plus belle avec les dégâts collatéraux que l’on connait particulièrement la perte du pouvoir d’achat, avec une tendance tous azimut.
De même, la dépréciation a un impact sur la Caisse générale de compensation et contribue de plein fouet à accroître le déficit budgétaire. Ceci sans parler du facteur lié au renchérissement de la dette et de bien d’autres dommages à incidence grave aussi bien sur le court que le long terme. Les horizons, coté solutions sont bien avares. Il importe de maîtriser le déficit commercial et de veiller d’activer le retour à la croissance et à l’exportation. Ceci en parallèle des efforts à déployer dans le sens de la réduction des importations.
Se prémunir contre le diktat des lobbies
Pour Fethi Ennouri , enseignant universitaire , le sujet est plus que délicat . cela traduit un état de faits aux multiples facettes et surtout une façon de nous comporter «en l’espace de 6 ans, nous nous sommes focalisés sur les salaires à tel point qu’entre 2010 et aujourd’hui l’augmentation des salaires a atteint 100%.
Le dinar est en crise sérieuse. Des solutions sont possibles mais à un pris sérieux. Il nous faut, dit-il, revenir à l’économie réelle, investir et exporter. Ce sont là les seules alternatives. De même il importe de prémunir l’économie du diktat des lobbies…