En marge d’une rencontre-débat sur la loi de finances (LF) 2018, organisée hier par l’Ordre des experts-comptables de Tunisie (OECT), Walid Ben Salah et Anis Wahabi ont livré leur analyse critique du budget de l’Etat et de la LF pour l’exercice 2018.
Ainsi, l’expert-comptable Walid Ben Salah a affirmé que «le niveau de la pression fiscale en Tunisie est très élevé, dépassant les 33%», estimant qu’«il s’agit du niveau le plus élevé dans le continent africain, pour se rapprocher plutôt des niveaux enregistrés dans des pays développés, notamment au Royaume-Uni».
Et d’ajouter, dans ce sens, que «la fiscalité en Tunisie est très mal répartie, dans la mesure où elle cible surtout les contribuables et les sociétés opérant dans la transparence, ce qui décourage l’investissement et incite à l’évasion fiscale».
Au volet de l’endettement public, M. Ben Salah a précisé qu’ «il est très lourd, surtout que l’endettement intérieur ne dépasse pas les 29%, contre une aggravation de l’endettement extérieur de 71%».
De ce fait, l’orientation inévitable vers l’endettement extérieur coûte, selon ses dires, énormément au budget de l’Etat. Sachant que le service de la dette représente, aujourd’hui, près de 7,5% du PIB, soit le 1/5 du total des recettes des exportations tunisiennes.
Revenant sur la croissance de la productivité réalisée en Tunisie entre 2016 et 2017, Walid Ben Salah a souligné qu’elle est nulle. Ainsi, le taux de croissance de 2,2% annoncé en 2017 reste inférieur à la moyenne mondiale de 3,7%, à la moyenne de l’Union Européenne de 2,3% et au taux de croissance de 2,6% réalisé par les pays africains.
«Il s’agit d’une croissance chétive basée sur la consommation et boostée, essentiellement, par les augmentations salariales, d’autant plus que l’investissement et l’export sont quasiment à l’arrêt», martèle-t-il.
Complexité du système fiscal tunisien
De son côté, l’expert-comptable Anis Wahabi a évoqué la complexité du système fiscal tunisien, en mettant l’accent sur le manque de simplicité, de stabilité et d’équité caractérisant ce système. «Ceci complique davantage la tâche des professionnels et bloque les efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre l’évasion fiscale.»
Et de rappeler que la justice fiscale est quasi absente, vu que la fiscalité tunisienne cible les contribuables et les sociétés légales.
Il a, à ce titre, expliqué que cette fiscalité recense, aujourd’hui, six taux de TVA, six taux d’imposition et deux régimes d’imposition des dividendes, ce qui est, selon ses dires, très compliqué. Egalement, les gouvernements qui se sont succédé entre 2011 et 2017 ont adopté 15 lois de finances y compris les lois de finances complémentaires et 576 nouvelles mesures fiscales.
Au final, M. Wahabi n’a pas manqué de dresser une liste de recommandations visant à faire face aux défaillances du système fiscal tunisien. Il s’agit, selon notre interlocuteur, d’accélérer la préparation du code unique de l’impôt, d’adapter la fiscalité locale au nouveau contexte, d’appliquer les mesures fiscales suspendues (caisses enregistreuses, fiscalité des sportifs et d’artistes…), adopter la TVA à l’encaissement et revoir les conditions de déductibilité des créances douteuses et impayés.
Il s’agit, de même, de revoir le seuil de déduction des frais au titre des relations publiques pour les professions libérales, d’adopter les outils Big Data pour avoir une direction fiscale intelligente, d’élargir les opérations de contrôle aux non-patentés, d’instaurer l’audit des établissements stables et d’adapter la fiscalité au développement économique (réinvestissement, épargne nationale, simplification des procédures…).