On pourra toujours se demander, et sans toucher à la personne du titulaire du département des Affaires étrangères, pourquoi le chef du gouvernement ou le chef de l’Etat n’ont-ils pas représenté la Tunisie à la 30e session ordinaire de l’Union Africaine à Addis-Abeba (28 et 29 janvier 2018) ? L’Afrique ne constitue-t-elle pas une priorité –ou la priorité- de notre politique commerciale ?
La Tunisie a certes participé à la 30e session ordinaire de l’Union Africaine qui s’est déroulée les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba, la capitale de l’Ethiopie. La délégation a été conduite par le ministre des Affaires étrangères, Khémaïes Jhinaoui.
Quoi de plus normal, dirait-on ? Ce n’est pas la première fois qu’un ministre des Affaires étrangères représente l’Etat tunisien. Cela s’est fait souvent en Tunisie sous tous les gouvernements qui se sont succédés depuis l’indépendance.
N’est-il pas du reste habilité à le faire ? Le département dont il a la charge n’est-il pas dédié à maintenir et à développer des relations notamment de coopération avec, comme on dit souvent, les pays frères et amis ?
Compétent et efficace
D’autant plus que le titulaire du poste est un homme compétent et efficace qui a fait toute sa carrière dans le département des Affaires étrangères dont il connaît bien les arcanes. Il a été notamment chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères, ambassadeur en Russie et Directeur général de l’Europe, notre plus important partenaire commercial.
Reste que cette participation, et avec la considération et le respect que l’on ne peut avoir pour Khémaïes Jhinaoui dont tout le monde loue l’abnégation et le sérieux, peut susciter aujourd’hui des interrogations.
S’agissant du Continent africain qui est aujourd’hui une priorité –sinon la priorité- commerciale de la Tunisie, il aurait fallu sans doute que la délégation soit conduite par le chef du gouvernement ou encore le chef de l’Etat.
Tout le monde sait que le gouvernement a créé un secrétariat d’Etat chargé de la diplomatie économique pour remédier, et pour l’essentiel, à un certain déficit de notre engagement économique en Afrique ?
La Tunisie ne cesse-t-elle pas de s’activer sur ce terrain ? N’a-t-elle pas, par exemple, intégré la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest et conclu un mémorandum d’entente avec ces pays en prévision précisément de la création d’une zone de libre-échange entre les deux parties ?
On pourra toujours évidemment trouver des raisons valables et évidentes à la composition de la délégation qui a représenté notre pays à Addis-Abeba. Un proverbe arabe ne dit-il pas à peu près ceci : les habitants de la Mecque connaissent mieux que d’autres leurs massifs ? Nous ne sommes pas toujours du reste, comme on dit, dans le secret des dieux !
N’est-ce pas peu ?
Le chef du gouvernement n’avait-il pas engagé, par exemple, le 30 janvier 2018, une visite importante pour participer à une conférence international de haut niveau sur la promotion de l’emploi et l’inclusion dans le monde arabe ?
Et notre pays ne s’apprêtait-il pas à accueillir le président d’un pays, Emanuel Macron, qui reste encore notre principal partenaire au niveau de la coopération, notamment économique ? Un événement qu’il fallait évidemment bien préparer.
Continuons notre appréciation de la participation tunisienne à la 30e session ordinaire de l’Union Africaine pour évoquer un autre point sur la composition de la délégation. Celle-ci était, si l’on en croit la photographie publiée dans le site du ministère des Affaires étrangère tunisien, composée de trois personnes dont évidemment le ministre Jhinaoui.
N’est-ce pas peu pour un événement de ce type? Certes, l’Etat tunisien vit à l’heure de l’austérité et doit donc donner l’exemple en matière de gestion de l’argent du contribuable.
Mais, que peut faire une délégation de trois personnes dans une telle rencontre réunissant 54 Etats et qui a vu la participation d’un peu plus d’une dizaine de chefs d’Etat et de gouvernement ? Dont les premiers dirigeants de ce Rwanda et de cette Ethiopie dont la croissance étonne plus d’un. Et devenus pour les uns et pour les autres des Eldorados.
Un des timoniers
Le sujet « Remporter la lutte contre la corruption : une volonté durable pour la transformation de l’Afrique » valait, par ailleurs, le déplacement. La Tunisie n’est-elle pas en train d’engager une lutte sans merci contre une corruption que l’on sait nuire à la croissance ?
La rencontre n’était-elle pas l’occasion de concentrer davantage l’intérêt sur l’expérience courageuse d’un pays qui reste une lanterne qui éclaire les sentiers bien tortueux d’un Printemps arabe duquel on dit ces jours-ci beaucoup de mal ?
En fait, la Tunisie a toujours eu une bonne audience dans un continent où il est souvent perçu quelque part comme un des timoniers.