Les journalistes tunisiens se souviendront longtemps de ces journées des 15, 16 et 17 novembre 2018. En effet, pour la première fois, les Assises internationales du journalisme se sont tenues à la Cité de la culture à Tunis. Un événement, premier en son genre, sur la rive sud de la Méditerranée.
Conférence-débat, atelier et mini-formation étaient au rendez- vous pendant ces trois jours. Et c’est l’association Journalisme et citoyenneté qui organise ces assises internationales. L’événement a, dans sa première journée, disséqué une partie de la réalité du secteur.
Jérôme Bouvier, président de l’association et le fondateur des Assises internationales du Journalisme, a considéré que leur tenue à Tunis est une aventure « un peu folle ». Pour lui, il s’agissait d’un rêve incertain. De même, il a indiqué que généralement cet événement se tient sur la rive nord de la Méditerranée. Malgré les obstacles, la Tunisie a été choisie pour l’abriter car cela permet à ces assises d’avoir un pied des deux côtés de la Méditerranée.
Le tout s’est fait grâce aux bailleurs de fonds tels France média monde, AFP et l’Unesco, avec le précieux soutien de l’Institut de presse et des sciences de l’information, ajoute-t-il.
Ainsi, 500 journalistes provenant de 30 pays y participent déjà. Par ailleurs, l’intervenant a considéré que sans la volonté de la Tunisie de continuer dans sa transition démocratique, elle n’aurait pas pu accueillir ce genre d’événement. « Vous êtes un pays phare de liberté d’expression (…) et une lumière qui rayonne », lance-t-il.
Par ailleurs, il revient sur un certain nombre d’enjeux de la profession de journaliste. Pour lui, la sécurité des journalistes est de première importance. A cet égard, il rend un hommage au journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi. Et il plaide pour que les enquêtes se poursuivent pour rendre justice au disparu.
En outre, le président de l’association a souligné le rôle important des journalistes en matière de lutte contre les fake news. M. Bouvier a formulé le souhait de tenir une deuxième édition en Tunisie surtout que la Tunisie est devenue un lieu incontournable d’échange.
Les journalistes disparus au cœur des Assises internationales du journalisme
Par ailleurs, Mehdi Jelassi, membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a rendu un vibrant hommage aux journalistes assassinés par les régimes dictatoriaux et à Soufiene Chourabi et Mondher Guetari, disparus depuis déjà quatre ans en Libye. Par ailleurs, il s’est félicité de la tenue du congrès de l’Union internationale des journalistes en Tunisie en juin 2019.
Il a rappelé que la Tunisie a choisi de continuer sur le chemin de la démocratie et de la liberté d’expression et ce malgré la contre-révolution. Ainsi, il a rappelé que des réformes doivent être mises en place comme la loi organique régissant le secteur journalistique à la place du décret 115.
Mehdi Jlassi a appelé à ce que l’administration tunisienne applique la loi de l’accès à l’information. Sur un autre volet, il a souligné l’importance de la réforme des médias publics dans une démarche participative. De même la gestion des médias confisqués est un sujet qui doit être abordé d’après lui. Sans oublier l’emploi décent des journalistes, car l’intervenant a affirmé que l’emploi décent pour les journalistes est un grand défi. L’Etat doit renforcer son contrôle dans ce domaine, affirme-t-il.
De son côté, l’ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d’Arvor, a rappelé qu’il était directeur de France Culture pendant cinq ans. Il a indiqué que la multiplication des journaux et des sites électroniques après la révolution ne relève pas de l’anarchie, mais plutôt de la liberté d’expression. Il a souligné l’importance du rôle des médias en matière de lutte contre les fake news, l’antisémitisme et l’islamophobie.
Le premier panel intitulé « Des assises utiles pour les journalistes et le citoyens » s’est focalisé sur l’information utile pour les journalistes et pour les citoyens. Zied Dabbar, membre du SNJT, a indiqué qu’il n’est pas facile pour un journaliste de parler à un homme politique.
Par ailleurs, il a indiqué qu’il ne faut pas s’attendre à titre d’exemple à ce qu’un média saoudien parle de la famine au Yémen. Il a également souligné l’importance de la sécurité des journalistes dans les zones chaudes. Pour lui, la chaîne Al-Arabya avait une mauvaise réputation à un certain moment étant donné qu’elle n’assurait pas la protection de ses journalistes.
Mark Saïkali, directeur de France 24, a indiqué que sa chaîne s’intéresse surtout à l’information de qualité. Il indique qu’il reçoit quotidiennement des appels de chefs de gouvernement, ministres et présidents pour protester contre le contenu journalistique de la chaîne. De même, il affirme qu’il reçoit des protestations même des opposants de ces régimes. Il a souligné le rôle important des sociétés de rédaction pour préserver les lignes éditoriales des médias. Il a affirmé que son vrai patron n’est pas un groupe économique. « Mon patron est le peuple français qui paye des impôts pour cette information », assène-t-il.
Madiambal Diagne, président de l’Union de la presse francophone (UPF), a déclaré de son côté qu’il ne faut pas banaliser les meurtres des journalistes. Il s’agit de la responsabilité de tout le monde d’après lui. Il a reproché aux médias tunisiens de parler de l’affaire de Jamel Khashoggi, plus que de celle de Soufiène Chourabi.
Samira Mahdaoui, représentante de la chaîne nationale, a affirmé que c’est le rôle des journalistes d’investigation de proposer une matière journalistique importante et exclusive aux lecteurs. Pour elle, les médias publics ne sont pas dans une course pour l’audimat. Leur rôle principal est de garantir une information de qualité pour les lecteurs. Les médias publics ont une redevabilité au public. Par ailleurs, elle a indiqué sa crainte du discours de la haine et du phénomène du mercenariat journalistique.