Plusieurs arguments socio-économiques plaident en faveur de l’égalité dans l’héritage. L’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) a publié récemment un argumentaire. Elle présente 20 arguments en faveur de l’égalité dans l’héritage. Il s’ intitule « Maintenant plus que jamais ».
Dans cet argumentaire, l’association féministe a multiplié les types d’arguments. Arguments sociaux, économiques, culturels et juridiques. Notre propos dans cet article est de braquer la lumière sur quelques arguments sociaux et économiques en faveur de l’égalité dans l’héritage.
Les femmes participent autant que les hommes au budget de la famille et à la constitution de son patrimoine immobilier
Ainsi, elle considère que « l’accès des femmes au salariat et à l’activité économique s’est accompagné d’un apport financier important au budget des ménages et à l’amélioration de leur niveau de vie, ainsi que celui de leur famille ».
D’ailleurs, l’enquête nationale intitulée L’argent dans le couple et le gestion du revenu familial affirme cette vérité. Elle a été réalisée par le CREDIF en 2010. Selon la même source, quand une femme travaille et apporte un salaire, le budget du ménage augmente en moyenne de 40%. Dans le même sillage, la contribution des femmes atteint près de 45% pour les dépenses courantes, 42% pour les dépenses occasionnelles et saisonnières et 31% pour les dépenses de loisirs. La même enquête considère que les femmes contribuent pour environ 33% lors de l’achat d’un logement (sans compter les dépenses d’ameublement et mise en valeur du logement).
Par ailleurs, l’ATFD affirme que plus de la moitié des femmes consacrent les revenus provenant de leur héritage pour faire des travaux au logement dont le propriétaire est souvent le conjoint. Deux chiffres affirment ces propos. L’enquête nationale sur les attitudes et comportements économiques des femmes réalisée par plusieurs ONG en 2014 affirme que 54% des femmes entretiennent la maison familiale en puisant dans leur héritage. 67,4% des jeunes femmes aides ménagères déclarent que leur salaire est négocié et récupéré par leur père d’après la même étude « Les aides ménagères à temps complet, violence et non droits » réalisée par l’AFTURD en 2009.
Un engagement important des femmes dans la solidarité intergénérationnelle
Les femmes sont sollicitées sur plusieurs fronts : un travail professionnel, des responsabilités familiales, l’obligation de prendre à charge leurs parents vieillissants. Les chiffres affirment que les femmes fournissent plus d’efforts que les hommes. D’après l’enquête Budget-temps réalisée par l’INS, ONU femmes et MAFF, les femmes tunisiennes font 5 heures 15 minutes par jour de travail domestique par rapport à 39 minutes pour les hommes, soit huit fois plus. Elles font 25 minutes par jour au profit des personnes dépendantes de la famille (les aînés et les enfants), contre 5 minutes pour les hommes soit cinq fois plus.
Les femmes sont autant compétentes que les hommes pour gérer leur patrimoine et leur héritage
Les chiffres affirment ce constat. Plus que 99,2% des filles sont scolarisées au primaire. 63,5% de l’effectif étudiant au niveau supérieur est féminin. L’association féministe affirme que les femmes ont le savoir, les connaissances pour prendre les décisions en matière de gestion de leurs ressources financières. De même, elle affirme la nécessité du respect de l’autonomie économique des femmes. Cependant « malgré les compétences acquises, les femmes sont toujours victimes de discrimination sur le marché de l’emploi et se retrouvent reléguées dans l’économie informelle ».
Contribution importante du travail visible et invisible des femmes à l’économie du pays
Les Femmes démocrates affirment que le travail salarié des femmes est une ressource importante pour le revenu de la famille. Et d’affirmer que ‘les femmes sont formées et compétentes. Lorsqu’elles travaillent, elles sont aussi productives que les hommes en étant moins payée. D’ailleurs, L’Enquête nationale population et emploi, réalisée par l’INS en 2012, affirme que les femmes font don de 20 à 50% de leur travail à l’économie du pays. Cependant, elle sont payées 20 à 30% moins que les hommes.
Les femmes ne sont pas les plus concernées par le travail décent. Le livre Etude sur la réglementation et participation des femmes au marché du travail en Tunisie (2012) affirme que « plus que 50% des femmes actives sont dans six professions caractérisées par la flexibilité, la précarité et l’irrégularité soit : ouvrière de textile, employée de maison, secrétaire, employée de bureau, ouvrière agricole et institutrice ». De même, le travail domestique des femmes est une contribution importante aux familles et aux pays. « La valeur de l’ensemble du travail domestique, une contribution invisible, non-reconnue et non-rémunérée est estimée à 43,% du PIB du pays », affirme l’enquête nationale sur le budget temps des femmes et des hommes en Tunisie réalisée en 2011.
Le patrimoine des femmes est profitable à toute la famille et à l’économie du pays
Parmi les femmes qui ont hérité du vivant de leurs parents, 48% ont hérité de leur mère et 20% ont hérité de leur père. Les hommes ont reçu 40% de leur mère de son vivant contre seulement 24% de la part de leur père. Les femmes transmettent leur héritage au cours de leur vie (transfert in vivo) et la part transmise est plus élevée que celle des hommes.
Les femmes dans le monde rural, majoritaires dans le travail, minoritaires dans la propriété de la terre
Même si les femmes constituent 76% de la force de travail dans l’agriculture, seulement 5,8% sont exploitantes agricoles. 14% se déclarent propriétaires d’une terre et uniquement 4% détiennent des titres fonciers. Cette situation perdure malgré les efforts effectués par les femmes rurales. D’après l’étude Profil genre de la Tunisie, les femmes effectuent 10% des journées de travail plus que les hommes. Elle contribuent à 39,2% de journées de travail. A peine 20% des femmes rurales disposent d’un revenu propre contre 60% des hommes.