Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, se rendra, le vendredi 15 février, à Paris pour prendre part au Forum économique sur les opportunités d’affaires entre la Tunisie et la France. Il se tiendra au palais du Luxembourg, siège du Sénat français. Des ministres tunisiens et français, ainsi que des chefs d’entreprise des deux pays y prendront part.
En prévision du déplacement du chef du gouvernement à Paris, l’Economiste maghrébin s’est entretenu avec l’Ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor.
Dans cet entretien, le diplomate français a donné des éclairages sur le partenariat multiforme tuniso-français et son avis sur la transition démocratique que connaît notre pays.
Globalement, il estime qu’en dépit des crises, le couple tuniso-français se porte bien. « C’est un couple solide », a-t-il déclaré. Il a fait remarquer qu’à l’avenir Tunisiens et Français vont s’employer à tisser des relations harmonieuses privilégiant le partenariat entre les rives sud et nord de la Méditerranée. Il a annoncé, à ce propos, la création prochaine d’un club devant regrouper des personnalités indépendantes. L’ultime but étant de disposer un jour d’un réseau influences.
La transition démocratique en Tunisie est irréversible
Traitant de la transition démocratique en Tunisie, l’ambassadeur a indiqué qu’il a constaté de visu que cette transition, forte d’acquis comme la liberté d’expression, la liberté de conscience, l’égalité entre hommes et femmes et le respect des échéances électorales, est désormais irréversible.
« C’est un véritable exploit pour un pays qui a résisté aux dérapages de la révolution, aux conséquences des attentats terroristes, au classement de l’Union européenne dans la liste des paradis fiscaux et du Gafi (Groupe d’action financière) dans celle des pays fortement exposés au blanchiment d’argent et au terrorisme… Et autres dures épreuves », a-t-il tenu à préciser.
Il a abordé également le projet de partenariat franco-tunisien dans le domaine de la mise en place des institutions de l’Etat, dont la Cour constitutionnelle. Il a évoqué à ce sujet la programmation d’une rencontre entre Youssef Chahed et Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel français.
La seule problématique réside dans la jeunesse
Au rayon des incertitudes, Olivier Poivre d’Arvor a indiqué que la principale problématique en Tunisie réside dans la jeunesse. Il s’est demandé si les deux à trois millions de jeunes en Tunisie allaient adhérer aux politiques arrêtées par leurs dirigeants, élire ces mêmes dirigeants, accepter l’égalité entre les hommes et les femmes et tolérer l’ouverture de la Tunisie sur le reste du monde. A toutes ces interrogations, il invite les politiques tunisiens à réfléchir et à apporter des réponses.
Il a relevé que la France va se coordonner avec l’Union européenne, en vue de mettre à la disposition de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) des moyens financiers conséquents. L’objectif est de l’aider à encourager les Tunisiens toutes catégories confondues, particulièrement les jeunes, à aller voter.
Concernant le parti Ennahdha, il a qualifié ce parti de « parti islamique démocrate ». Il a ajouté que ce parti, après avoir pris conscience de tous les avantages qu’il peut tirer de la démocratie et de son ouverture sur le monde, ne peut plus se construire selon un logiciel classique strictement arabo-musulman ou frériste.
Au sujet du partenariat économique, il a indiqué que l’accent sera mis lors du prochain Forum économique de Paris sur la coopération dans le numérique, avec le projet de créer en Tunisie un incubateur de startuppers.
Paris et Tunis vont essayer d’accélérer le projet convenu de doubler les IDE français en Tunisie en attirant, particulièrement, de grosses entreprises. Concrètement, le diplomate a annoncé qu’en 2019, il y aura deux importants investissements directs français en Tunisie.
Toujours au plan économique, le diplomate s’est engagé à aider la Tunisie à atteindre, en 2019, l’objectif de neuf millions de touristes, en encourageant environ un million de Français à venir en Tunisie.
Il s’est félicité de l’amélioration de la sécurité dans le pays, notant que les quelques zones qui restent dans le rouge sont minuscules. Elles sont loin, selon lui, de décourager les TO à programmer la destination Tunisie et les touristes à visiter le pays.
Il a évoqué également l’économie bleue pour la promotion de laquelle le Forum de la Mer de Bizerte (octobre 2018) a appelé. A ce propos, le diplomate a insisté pour que cette économie soit, impérativement, respectueuse de l’environnement.
Vers une coordination des bailleurs de fonds de la Tunisie
Mention spéciale pour le financement de l’économie, il a évoqué la possibilité d’organiser une réunion entre les bailleurs de fonds de la Tunisie en vue de rationaliser et de coordonner leurs interventions et leur conférer plus d’efficience. L’idée serait de parvenir à mobiliser en faveur de la Tunisie des fonds annuels de deux milliards d’euros et de proposer au gouvernement tunisien des réformes qu’ils jugent salutaires pour le pays.
Concernant le partenariat en matière d’éducation et d’enseignement, il est revenu sur l’augmentation des frais d’inscription dans les universités françaises, rappelant que plusieurs universités de l’Hexagone ont fait savoir d’ores et déjà que cette augmentation ne concernerait pas les Tunisiens. Il devait s’attarder sur l’ouverture prochaine, à Tunis, probablement au mois septembre 2019, selon lui, d’une Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée.
Il a abordé par ailleurs le projet de doubler le nombre des élèves inscrits dans les écoles françaises implantées en Tunisie, en œuvrant à les faire passer de 12000 actuellement à 25 mille à moyen terme, d’intensifier la formation de formateurs en langue française et de créer, l’été prochain, une « école 42 » (établissement spécialisé dans la formation de talents).
Interpellé sur les avantages que va tirer la Tunisie de l’organisation, en 2020, du Sommet de la francophonie, Olivier Poivre d’Arvor a déclaré que ce sommet va permettre à la Tunisie de développer son rayonnement en Afrique. Il a indiqué que la francophonie n’est pas le cheval de Troie de la France, mais de l’Afrique. C’est aussi un marché de plus de 250 millions de consommateurs à conquérir.