Ce 20 mars 2019 qui sonne le 63ème anniversaire de l’indépendance, les Tunisiens peuvent se rappeler fièrement des péripéties qui ont conduit à sa concrétisation. Bien évidemment l’indépendance était une prouesse réalisée grâce à une longue liste de martyrs d’une part et d’un processus de négociations diplomatiques d’autre part. Résultats des courses, la Tunisie est un pays indépendant et souverain. Il fête aujourd’hui, le 63ème anniversaire de son indépendance.
Si cette fête est une occasion de laisser libre cours aux souvenirs et aux faits historiques, elle est aussi une occasion de repenser quelques vérités que certains font semblant d’ignorer. Ces vérités interpellent tout le monde : décideurs politiques, société civile et historiens. Le propos de cette chronique n’est pas d’être une trouble-fête du 63ème anniversaire de l’indépendance. Loin delà, notre propos est d’affirmer à cette occasion que l’indépendance est un acquis qui s’entretient à travers les années, afin qu’il brille de mille feux. Voici trois pistes de lecture de l’indépendance.
De l’indépendance économique avant toute chose
Sans économie inclusive et productive, il est inutile de parler d’indépendance politique. Faut-il encore rappeler que l’argent est le nerf de la guerre ? Faut-il encore rappeler qu’une économie en bonne santé est l’un des piliers de la souveraineté politique ? En effet, les chiffres publiés par l’Institut national de la statistique (INS) pour le mois de février 2019 brossent un tableau alarmant.
Qu’on en juge. L’inflation atteint 7,5%, le taux de croissance du quatrième trimestre de 2018 est de l’ordre de 2,2%. Le taux de chômage est de 15,5% pendant le quatrième trimestre 2018. Et le déficit de la balance commerciale s’établit à 849 MD. Et ce n’est pas uniquement cela.
Une autre menace guette l’indépendance de la Tunisie. Il s’agit de la dictature de l’endettement. La Tunisie est sous l’emprise de l’endettement depuis 2011. A titre d’exemple, la loi de finances 2018 a prévu un endettement de l’ordre de 7972MD, dont 57% sont des dettes extérieures et 43% sont des dettes intérieures. Tous ces chiffres affirment qu’on est loin de l’esprit de l’indépendance pour laquelle nos ancêtres se sont battus sans répit.
Quelle relation entre la Tunisie et la France, 63 ans après l’indépendance ?
Les décideurs français n’ont pas encore reconnu les crimes de guerre perpétrés en Tunisie pendant les longues années de la colonisation. Une reconnaissance pareille peut ouvrir de nouvelles perspectives pour les deux pays.
La reconnaissance peut dissiper la haine et les rancœurs du passé. De ce fait, à partir de cette reconnaissance, la relation entre la Tunisie et la France ne sera plus celle d’ancien colonisateur à ancien colonisé. Elle se transformera en une relation d’égal à égal. Qu’on le veuille ou pas, les traces de quelques épisodes sanglants sont indélébiles.
Pour ne citer que l’un des plus sanglants, l’armée française a perpétré des massacre et viol contre plus que 200 civils sans défense à Tazarka (gouvernorat de Nabeul) du 28 janvier au 1er février 1952. Si la France n’a pas reconnu sa responsabilité historique durant les années de la colonisation de la Tunisie, elle a tout de même reconnu sa responsabilité dans la mort de Maurice Audin, membre du Parti communiste algérien et militant de l’indépendance algérienne, mort sous la torture en 1957. C’est le président français Emmanuel Macron qui a pris cette initiative, lors d’une visite effectuée à sa veuve, Josette Audin.
Bien avant Emmanuel Macron, l’ancien président français, Jacques Chirac avait reconnu en 1995, la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, notamment lors de rafle du Vél d’Hiv, en juillet 1942. Un Tunisien non averti pourrait se dire : « Quand la France reconnaîtra-t-elle ses injustices contre la Tunisie ? »
La réhabilitation des fellaga est une urgence historique
Habib Bourguiba est le premier président de la Tunisie indépendante. Nul ne peut nier qu’il était l’artisan de l’indépendance. Mais, Habib Bourguiba demeure l’arbre qui cache la forêt. En effet, l’aura du premier président de la République aura éclipsé le rôle déterminant et décisif des Fellaga qui par la lutte armée ont contribué à l’indépendance. Mohamed Daghbaji, Mosbah Jarbou et Lazhar Chraïti sont les figures emblématiques d’une lutte armée acharnée contre le conquérant français.
Ces trois noms ont contribué à l’indépendance. Fusillé sur la place du souk d’El Hamma (Gabes), le 1er mars 1924 à l’âge de 39 ans, Mohamed Daghbaji a combattu les soldats français dans tout le sud tunisien. Il a même soutenu les résistants libyens contre les conquérants italiens, pendant la même période. Conscientes de ce danger, les autorités françaises ont décidé de le traquer.
Issu de Médenine, Mosbah Jarbou a dirigé le mouvement de résistance armée contre les colons français dans le sud tunisien à partir de 1952. Le militant a rendu l’âme suite à une attaque aérienne de l’armée française demeurée à Remada, en 1958.
Exécuté à la suite d’un complot avorté contre Habib Bourguiba en 1963, Lazhar Chraïti était le chef des Fellagas de 1952 à 1954. Il a même contribué à la lutte contre l’occupation israélienne en Palestine pendant trois ans. Après son exécution, il a été enterré sans que l’endroit de sa tombe ne soit divulgué. De même, ses biens ont été saisis, ce qui a obligé sa femme et ses enfants à quitter la Tunisie.