Une équipe du Fonds monétaire international (FMI) a séjourné en Tunisie, du 27 mars au 9 avril, pour discuter des politiques économiques envisagées par les autorités dans le cadre de la cinquième revue du programme de réformes économiques de la Tunisie soutenu par le Mécanisme Elargi de Crédit (MEdC).
À l’issue de sa visite, M. Björn Rother, chef de mission pour la Tunisie, a déclaré que son équipe a eu des échanges constructifs avec les autorités tunisiennes à propos des réformes économiques qu’elles doivent engager pour achever la cinquième revue du MEdC.
Et d’ajouter que les autorités avancent résolument dans leur programme pour stabiliser et réformer l’économie tunisienne, tout en prenant en compte les contraintes socio-politiques, amenées à se renforcer à l’approche des élections présidentielles et parlementaires prévues en fin d’année.
Tunisie – FMI : les discussions se poursuivront à Washington
Björn Rother a tenu à souligner que les autorités et l’équipe du FMI sont parvenues à une entente mutuelle sur les principaux sujets et s’accordent à dire que les autorités ont besoin de plus de temps pour affiner, dans quelques domaines, les mesures qu’elles envisagent. « Les discussions continueront, dans les prochains jours, à Washington », ajoute Björn Rother.
Le communiqué de presse de fin de mission en Tunisie d’une équipe des services du FMI a annoncé que la reprise économique est modeste. La croissance s’établirait à 2,7 % en 2019, en hausse après le taux de 2,6 % enregistré en 2018, année durant laquelle l’activité a été portée par la production agricole et les services, en particulier touristiques. En revanche, la croissance continue à être obérée par un contexte politique et économique incertain, et des freins structurels, tels qu’un accès imparfait au financement. De fait, la croissance n’a pas suffi à faire reculer le chômage, qui reste particulièrement élevé pour les jeunes et les femmes.
« Les autorités ont poursuivi leurs efforts dans la mise en œuvre de politiques et réformes économiques appropriées. Néanmoins, la stabilité de l’économie continue d’être menacée par d’importantes vulnérabilités », lit-on dans le communiqué du FMI.
Une croissance trop dépendante de la consommation
Selon l’équipe du FMI, les autorités ont resserré la politique monétaire pour juguler les pressions inflationnistes et ont mis en œuvre une réduction notable du déficit public. Les mesures fiscales de 2018 et la meilleure perception des impôts ont, selon l’équipe du FMI, amélioré les revenus des administrations publiques, tandis que les hausses des prix de l’énergie ont contribué à maîtriser les subventions énergétiques, qui profitent surtout aux plus aisés. Cela a permis au gouvernement d’augmenter l’investissement public (à 5,6% du PIB en 2018), porteur d’emplois, et les dépenses sociales (à 2,7% du PIB).
Le programme national d’aide aux familles nécessiteuses (PNAFN) a vu sa couverture étendue (de 250 à 285 mille familles) et ses allocations augmenter. En outre, l’accès aux soins médicaux des populations les moins nanties est en train d’être amélioré, et la constitution d’une base de données sur 600 000 foyers permettra d’envisager la mise en place de politiques sociales mieux ciblées.
« L’économie tunisienne et les créations d’emplois restent grevées par des déséquilibres importants. La croissance est trop dépendante de la consommation, tandis que l’investissement et les exportations sont insuffisamment dynamiques. Les dettes publiques et extérieures restent élevées et sur une trajectoire ascendante ; elles engendrent des besoins de financement non-productifs importants et un fardeau pour les générations futures. Enfin, même si elle s’est quelque peu repliée, l’inflation se situe toujours à plus de 7 %, et contribue à un effritement du pouvoir d’achat, notamment des ménages les plus vulnérables ».
La masse salariale dans le secteur public est l’une des plus élevées au monde
« Maintenir le cap quant à la réduction du déficit public, à la reconstitution des réserves internationales de change, au maintien d’une politique monétaire restrictive, et à la suppression progressive des subventions, inégalitaires, en matière d’énergie—tout en protégeant les foyers en situation de précarité—sera essentiel au renforcement d’un processus de transition harmonieux, dans un contexte de vulnérabilités macroéconomiques prononcées. Il sera nécessaire de mieux contrôler l’évolution de la masse salariale dans le secteur public, qui, rapportée au PIB, est l’une des plus élevées au monde. Cela permettra également de financer des dépenses essentielles, destinées à lutter contre la précarité et à améliorer l’éducation et la santé. Ces orientations sont d’autant plus impérieuses que l’environnement extérieur présente de nouveaux risques, comme la volatilité des cours du pétrole, le ralentissement de la croissance parmi les partenaires commerciaux de la Tunisie au sein de l’Union Européenne, et les effets du regain potentiel des tensions régionales. Nous sommes conscients que ces mesures, indispensables, sont susceptibles d’avoir un impact sur le peuple tunisien, et c’est pourquoi nous pensons qu’il est primordial de les accompagner d’un renforcement des filets de couverture sociale ».
« Enfin, une accélération des chantiers en cours d’amélioration de la gouvernance et du climat des affaires est nécessaire pour rétablir la confiance des investisseurs et l’attractivité de la Tunisie, libérer pleinement le potentiel de croissance du secteur privé, et créer des opportunités et des emplois pour tous les Tunisiens ».
L’équipe du FMI s’est entretenue tour à tour avec le chef du gouvernement, le Ministre des Finances, M. Ridha Chalghoum ; le Ministre du Développement, de l’Investissement, et de la Coopération Internationale, M. Zied Laâdhari ; le Ministre aux Grandes Réformes, M. Rajhi ; et le Gouverneur de la Banque Centrale M. Marouane El Abassi. Elle a également rencontré des représentants des syndicats ouvriers et patronaux, du secteur privé, de la société civile et de la communauté diplomatique.
E.M d’après communiqué du FMI