La question se pose à plus d’un titre. D’abord, les multiples mutations du paysage audiovisuel imposent un nouveau schéma de financement. Ensuite, l’Etat représenté par le ministère des Affaires culturelles, ne peut continuer à être l’unique source de financement du cinéma.
Ainsi, il est temps de libérer les initiatives du secteur privé. Le financement du cinéma en Tunisie se pose étant donné que la relation entre l’économie et la culture est bel et bien étroite.
Cette interrogation est l’appellation d’un colloque qui se déroule aujourd’hui, 12 juin. Organisé, dans le cadre de la deuxième édition du Festival du cinéma tunisien, le premier panel de l’événement tente d’aborder ce volet crucial du cinéma en Tunisie.
Le financement, cette nécessité qui ne doit pas altérer l’oeuvre cinématographique en Tunisie
Tout en reconnaissant le rapport entre le financement et le cinéma et les autres formes artistiques, le critique de cinéma Kamel Ben Ouanes affirme que le financement ne doit en aucun cas altérer la qualité artistique de l’œuvre. Et ni prendre en otage le réalisateur, affirme-t-il. A cet égard, l’intervenant recommande de regarder vers les autres expériences notamment en Europe.
Par ailleurs, l’adaptation des expériences étrangères doit tenir compte des spécificités de la société tunisienne. Dans ce contexte, il s’interroge : « Dans quelle mesure les expériences étrangères peuvent être compatible avec le contexte tunisien ? ». De même, l’évolution du cinéma doit prendre en compte les différentes mutations, notamment l’émergence des start-ups. Il affirme que pour réfléchir sur l’avenir du cinéma tunisien, il faut faire le diagnostic de ce qui a été réalisé dans le secteur du cinéma depuis les années 60.
À quoi bon avoir tous les fonds du monde si on ne produit pas un bon film ?
Chiraz Latiri, directrice du Centre national du cinéma et de l’image en Tunisie (CNCI), a pointé du doigt un certain nombre de problèmes. L’intervenante a affirmé qu’il n’existe aucun fonds tunisien dédié au développement des films. Pour elle, la mise en place de ce fonds est importante pour accompagner les réalisateurs et les producteurs. Ainsi cela n’est pas possible avec des textes législatifs obsolètes.
Si le paysage cinématographique passe par une période de mutation, les institutions tunisiennes doivent se conformer à cette mutation. Sur un autre volet, elle a recommandé les fonds destinés à la coproduction. Il s’agit du Fonds bilatéral d’aide à la coproduction d’œuvres cinématographiques tuniso-françaises et le Fonds bilatéral de soutien au développement de la coproduction d’œuvres cinématographiques tuniso-italiennes.
Par ailleurs, elle a cité le projet Sentoo qui finance les coproductions sud-sud. Les pays qui y participent sont le Maroc, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. De ce fait, c’est un fonds destiné au cinéma sud-sud. Ces fonds peuvent améliorer le financement des co-productions. Par ailleurs, elle a indiqué qu’il faut protéger l’identité tunisienne dans les films coproduits. Le bailleur de fonds s’attend à un retour sur investissement quand il s’agit de financer un film, rappelle-t-elle. Ainsi, elle souligne l’importance de l’élaboration d’un bon dossier.
Pendant la prochaine édition des JCC ou la prochaine édition du festival Manarat, le CNCI annoncera de nouveaux bailleurs de fonds. L’intervenante a souligné l’importance de mettre en place le système de la billetterie unique dans les salles de cinéma. Ce dispositif permettra notamment aux bailleurs de fonds et aux producteurs de connaître le nombre réel des billets vendus. D’ailleurs, ce système est entrain d’être mis en place progressivement. A la fin de son intervention, elle a affirmé que les réformes dépendent des professionnels eux-mêmes.
Le cinéma en Tunisie rime avec travail décent
Le représentant de l’Organisation internationale du travail (OIT) David Andrevon a commencé son intervention en affirmant que plusieurs films tunisiens l’ont marqué à l’instar de Halfaouine de Ferid Boughdir et l’Homme de cendre de Nouri Bouzid. Par ailleurs, il a indiqué que la Tunisie dispose de plusieurs atouts cinématographiques. En effet, la Tunisie a abrité le tournage de plusieurs films de renommée mondiale à l’instar de Star Wars. C’est un pays où il existe plusieurs institutions spécialisées en cinéma comme l’Institut supérieur des arts multimédias de La Manouba et l’Ecole Supérieure de l’Audiovisuel et du Cinéma de Gammarth.
Au niveau international, six films tunisiens ont participé au festival de Cannes. Cependant, il a pointé du doigt le statut juridique de la profession et la situation précaire des freelancer en Tunisie.
Le Projet EDJEF « des emplois décents pour les jeunes et les femmes », financé par la Norvège et mené par l’OIT, commence à s’intéresser aux métiers de l’image. Le projet est financé à hauteur de 3 millions de dollars pour trois ans. Parmi les objectifs, celui d’attirer davantage de tournages étrangers, renforcer la communication autour des moyens de financement sur les sites web institutionnels et développer une chaîne de valeur autour des métiers de l’image.