Lors de son discours d’investiture, le nouveau Président Kais Saied a réitéré sa confiance dans la volonté du peuple tunisien à faire sortir le pays de sa situation économique difficile.
Kais Saied s’est montré rassuré quant à la disposition de plusieurs Tunisiens à offrir une journée de travail par mois, soit 60 jours, soit deux mois durant ce quinquennat, pour rembourser les dettes souveraines.
Nos dettes sont colossales
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une proposition effective, un petit exercice intellectuel s’invite pour examiner l’utilité d’une telle démarche.
Nous allons faire une petite simulation. Si nous supposons que la masse salariale de l’Etat restera stable, le coût global sera de 95,150 milliards de dinars d’ici 2024. Deux mois correspondent à la jolie somme de 3,171 milliards de dinars.
Est-ce que cette somme pourrait réduire nos dettes extérieures ? Dans l’absolue oui, mais c’est seulement d’un faible pourcentage. Fin 2018, la dette souveraine libellée en devises se monte à 78,370 milliards de dinars selon la BCT et ce, non tenu des intérêts courus non encore échus. Pour l’année 2020, nous allons rembourser 7,759 milliards de dinars de principal de dettes.
Nous allons pousser le raisonnement encore plus loin en ajoutant le secteur privé dont les rémunérations sont de l’ordre de 25 milliards de dinars. La mesure apporterait plus de 4 milliards de dinars. Au meilleur des cas, nous allons réduire la dette de 10% par rapport à son niveau actuel.
Il est clair qu’en dépit de l’esprit de cette démarche, l’impact sera faible et qu’elle ne représente qu’une partie de la solution pas plus.
Résoudre d’autres problèmes
Néanmoins, ce montant peut être très utile ailleurs. Près de 635 millions de dinars par an est une somme qui peut servir à résoudre d’autres problèmes. Elle peut servir comme ligne de financement à taux bonifiés pour les entreprises qui opèrent dans l’innovation et qui ne peuvent pas accéder à des lignes de financement faute de garanties réelles ou même celles qui recrutent des jeunes. Elle peut servir à améliorer la santé publique et rénover nos hôpitaux qui fonctionnent encore par miracle.
Une telle utilisation est meilleure car elle peut créer la différence. Elle serait également plus convaincante pour une population qui n’accepterait pas facilement de telles décisions. Le nouveau Président a été élu pour améliorer les conditions de vie des Tunisiens, pas pour réduire leurs salaires de plus de 3% !
Cela sans oublier qu’une bonne majorité n’accepterait pas de payer des dettes qui auraient probablement servies à des fins personnelles de l’ancien régime.
Comme l’atteste le Projet de la Loi de Finances 2020, les indicateurs de la finance publique se sont améliorés, mais cela n’est pas la priorité de la majorité des Tunisiens. Un déficit budgétaire de 3% n’est pas la finalité d’un père de famille qui voit ses charges monter en flèche.
La dette publique doit être traitée autrement. Mais créer un engagement de la population autour d’un projet est une excellente initiative. C’est une opportunité pour mesurer à quel point cette « prise de conscience » pourrait aller.