CertesLe reportage diffusé sur « Attessia TV » dans un lieu accueillant des personnes placées en quarantaine a fait le buzz. Il n’est pas le premier ni le dernier dans un paysage médiatique pratiquement livré à lui-même. Retour sur incident qui comporte des manquements à la pratique saine du métier de journaliste.
Il est interdit d’interdire. Ce polyptote (« une figure de style qui consiste en la répétition de plusieurs mots de même racine ») que l’on attribue à l’humoriste français Jean Yanne est-il devenu pour certains médias en Tunisie une ligne de conduite ? Une preuve supplémentaire nous a été donnée, le vendredi 27 mars 2020. Et ce lors de la diffusion d’une émission de télévision sur la chaîne « Attessia TV » (le Neuf -9) avec un reportage, ou ce qui pourrait ressembler à ce genre noble du journalisme. Ce reportage a été réalisé dans un espace –un hôtel semble-t-il de la localité de Chott Meriem, dans les environs de Sousse. Cet espace accueille des personnes placées en quarantaine en cette période de forte propagation du coronavirus.
La journaliste avait notamment proférée des insultes à l’encontre d’une personne résidente dans ce lieu. Elle voulait la chasser par un « Dégage ! ». Propos transmis en direct et entendus par les téléspectateurs.
Recherche constante du buzz
Certes, la chaîne Attessia TV a présenté des excuses. Ce qui constitue indéniablement une bonne chose. Mais, le coup est parti ! Et il n’est pas, pour ainsi dire, ni le premier ni encore le dernier dans un paysage médiatique où les règles du jeu déontologique et les bonnes pratiques professionnelles ne sont pas toujours respectées.
Une réalité que tout le monde admet maintenant que les dérapages sont monnaie courante. Les mécontentements des téléspectateurs sont une réalité quotidienne. Car, s’il est vrai que si les médias se sont libérés du joug d’une dictature qui n’a que trop duré, ils n’ont pas toujours su profiter de leur liberté pour avancer sur les voies d’une pratique saine et professionnelle.
Les règles fondamentales sont-elles respectées ?
Tout le monde sait pourquoi et peut imaginer, de ce point de vue, les explications que l’on peut fournir pour expliquer certains dérapages : manque de formation et de professionnalisme, recherche constante du buzz, synonyme de recettes publicitaires, absence d’une autorégulation, défaillance et manque de structures quelquefois chargées d’encadrer la profession, …
Restons cependant au niveau de l’émission d’Attessia TV du vendredi 27 mars 2020 (El Kolna Tounes). Le scandale est malheureusement arrivé. Pour faire deux remarques sans doute importantes quant à deux défaillances. Celles-ci peuvent mettre le doigt sur l’absence d’une pratique saine des règles fondamentales du journalisme.
La première ? Le producteur de l’émission avait-il pris soin de prendre contact avec la partie qui veille à la bonne marche de l’espace visité ? Il est de coutume de prendre attache avec les responsables du lieu avant d’entamer n’importe quel reportage. Et s’il l’a fait sans être accompagné c’est que les responsables du lieu indiqué ont failli à leur tâche !
Car, attention. Comme dans tout métier une réussite n’est pas l’œuvre d’une seule partie. Ainsi, les services d’information peuvent être à l’origine de défaillances. Dans le cas d’espèce, il y avait des précautions à prendre.
Respecter le public
Certes l’espace visité n’est pas n’importe quel espace. Il n’est pas logiquement ouvert à tous. Il y a des précautions à prendre. N’accueille-t-il pas des malades avec ce que peut avoir comme exigence physique et morale pour la partie à interroger ? Le journaliste n’a-t-il pas, pour sa part, des droits à faire prévaloir notamment au niveau de son intégrité physique notamment.
Notons qu’une visite de ce type doit être, à ce propos, encadrée par un personnel adéquat : médical et encore institutionnel. Les attachés de la presse ou les chargés de la communication existent partout. Ils sont souvent là pour faciliter le travail des médias.
Aussi, ce n’est pas au nom de la liberté de la presse que l’on peut transgresser des règles adoptées par tous. Pourquoi les médias des pays les plus démocratiques ont adopté des pratiques comme les visites de presse, les badges et autres documents d’accréditation ?
La seconde concerne évidemment le comportement des journalistes sur leur lieu de travail. Le journaliste est un médiateur entre l’information (la source) et le public. Outre le fait qu’il se doit de veiller à donner la meilleure image du média qui l’emploie, il se doit de respecter dans ses moindres faits et gestes le public qui le lit, l’écoute ou le regarde. Même s’il arrive que le journaliste soit humilié. Ne dit-on pas que les insultes émanent toujours de la bouche de ceux qui les a proférés, jamais des oreilles de ceux auxquelles elles s’adressent ?
Ainsi c’est loin d’être le cas de la reporter qui a été chargée de se déplacer dans l’espace qui accueillent les personnes en quarantaine.