A quelques jours de son départ de la Kasbah, Elyes Fakhfakh, le chef du gouvernement démissionnaire, a choisi de limoger brutalement le président de l’INLUCC, Chawki Tabib. Une décision qui sent le règlement de comptes.
La décision de limoger Chawki Tabib n’est pas « constitutionnelle » et Elyes Fakhfakh a « dépassé ses prérogatives ». Le grand juriste et professeur en droit constitutionnel Sadok Belaid n’y est pas allé de main morte. En qualifiant ainsi la décision prise, hier lundi, par le chef du gouvernement de gestion des affaires courantes de limoger le président de l’INLUCC. Et ce, à quelques heures de la proclamation du nouveau gouvernement proposé par son successeur Hichem Mechichi.
Abus de pouvoir
« Cette décision est une utilisation abusive de la loi et du principe même de la gestion des affaires courantes pour un chef de gouvernement démissionnaire. Ainsi, Elyes Fakhfakh a abusé de sa qualité de chef de gouvernement d’une manière excessive et sans précédent pour régler des comptes personnels avec ses ennemis. Par conséquent, cette décision est inconstitutionnelle », a tranché le doyen Sadok Belaid sur les ondes de la radio Mosaïque FM.
Pour rappel, le chef du gouvernement sortant, Elyes Fakhfakh, a décidé lundi 24 août 2020 de limoger le président de l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption et de le remplacer séance tenante par le juge auprès de la Cour de cassation, Imed Boukhris.
A savoir que la décision aurait été prise à l’issue d’un Conseil ministériel tenu ce lundi et après consultation du Président de la République.
Provocation délibérée ou réaction d’amour propre? Chawki Tabib, a déclaré le même jour au micro de la même radio qu’il n’était pas au courant de la décision de son limogeage!
Revanche et règlement de comptes
Selon des observateurs, la décision de révoquer l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats d’un simple trait de plume, sans en expliquer les raisons, sonne comme une revanche à l’encontre de l’Instance et de son président. Lequel avait joué un rôle déterminant dans l’affaire scabreuse de conflit d’intérêts ayant précipité la chute du gouvernement et la démission de son chef.
Certes, il est dans les prérogatives du chef du gouvernement sortant de démettre un commis de l’Etat de ses fonctions; mais c’est le timing et la manière peu cavalière qui choquent du point de vue éthique.
Bref, l’opinion publique a l’amère impression que M. Fakhfakh règle ses compte avec un « ennemi déclaré ». Et qu’il est plutôt animé par un esprit revanchard. Sinon où est l’urgence de révoquer le président d’une instance indépendante comme l’INLUCC et pour quels motifs?
De plus, en prenant cette décision si contestée et contestable de démettre brutalement le président d’une Instance constitutionnelle de ses fonctions, le chef du gouvernement démissionnaire, Fakhfakh ne marche–t-il pas sur les plates-bandes de son successeur à qui reviendra la charge de prendre la décision idoine à ce sujet?
On se souvient dans ce contexte qu’Elyes Fakhfakh n’avait pas hésité à limoger les ministres issus du mouvement Ennahdha le jour même de la remise de sa démission au président de la République. Car Montplaisir avait pris la décision de lui retirer sa confiance.
Décidément, il a la rancune tenace!