Jamais rentrée n’aura été aussi problématique, incertaine, chargée de nuages orageux, de tensions et de menaces. L’année qui s’achève est à marquer d’une pierre noire. La saignée est terrible, la pire que le pays ait connue.
La rentrée politique, économique et sociale fait de nouveau craindre le pire. La pandémie refait surface, elle est de retour avec son cortège de risque de contamination, de peur et de restrictions. Qui sait ce qui va et ce qui peut arriver si ce n’est qu’il faut respecter les gestes-barrières et mettre davantage de moyens financiers pour sauver ce qui reste de nos entreprises tous statuts confondus.
La rentrée des classes et des cours se dessine en pointillé sans la moindre assurance que tout ira pour le mieux. Elle peut capoter dès l’apparition du moindre signe de contamination. Ce qui signifiera un retour à la case départ. L’enseignement c’est l’ADN et le cœur battant de la nation. Quand les salles de classe ont la toux, le pays a la fièvre et l’économie la grippe. L’école donne chez nous le ton depuis des lustres.
Elle est le principal marqueur de la vie professionnelle et de l’ascension sociale. Elle règle le rythme de l’activité, le dynamisme de l’économie et de la société. Quand elle est à l’arrêt, c’est tout le pays qui se fige. Croisons les doigts.
La rentrée politique ne déroge pas à la règle. Elle pose plus de problèmes qu’elle n’apporte de solutions. Les alliances de circonstance de politique politicienne qui se mettent en place, les polarisations en cours d’un côté comme de l’autre exacerbent les tensions, les divisions et la discorde.
« Quand les salles de classe ont la toux, le pays a la fièvre et l’économie la grippe. L’école donne chez nous le ton depuis des lustres ».
Face au cartel politique, sous la houlette d’Ennahdha, qui joue le gouvernement contre le Président de la République, l’opposition qui se déclare comme telle se refuse à se mettre au travers du gouvernement Mechichi mais récuse et dénonce avec véhémence ceux qui l’ont porté au pouvoir.
Trop de différends, de rancoeur, de rancune et d’hypocrisie entre les uns et les autres et au sein même d’une opposition éparse et éclatée pour oser espérer une quelconque éclaircie ou moins encore une brève détente politique. Comment dans ces conditions ne pas avoir la hantise du scénario d’une libanisation du pays.
Pour l’heure, ni trêve, ni armistice en vue, si nécessaires pour ne pas entraver l’action gouvernementale. Comble du paradoxe ou de l’ignominie, les différents protagonistes de la scène politique font le contraire de ce qu’ils proclament haut et fort. Le gouvernement Mechichi n’aura pas assez de la mobilisation, du soutien ou à défaut de la neutralité bienveillante de tous pour tenter de sortir le pays de l’ornière.
Aucun autre gouvernement de ceux qui l’ont précédé n’aura été exposé à autant de contraintes, de difficultés financières et de défis en tout genre.
Le chômage est à son niveau d’alerte, les caisses de l’Etat sont vides et le spectre de la faillite pointe à l’horizon 2021 quand il n’y aura plus rien à prélever et moins encore à distribuer.
Plus qu’un gouvernement de salut, il a pour mission d’assurer la survie du pays. En cas d’échec, c’est toute la classe politique qui sera vouée aux gémonies, jetée en pâture et exposée comme il se doit à la vindicte populaire. Elle sera discréditée, rejetée et vouée à l’indifférence et à l’oubli. Aucune institution républicaine ne sera épargnée.
« Comble du paradoxe ou de l’ignominie, les différents protagonistes de la scène politique font le contraire de ce qu’ils proclament haut et fort »
On aimerait voir le Président de la République retrouver le sens de la réserve qui sied à sa fonction et incarner son rôle de garant de l’unité nationale plutôt que de se mettre dans la dangereuse posture d’un Robin des bois, d’un révolté anti-système qui jette de l’huile sur le feu alors qu’il est au coeur du système républicain qu’il décrédibilise par des décisions improvisées ou intempestives.
Il n’en faut pas plus pour aggraver la grogne sociale déjà portée à incandescence. La rentrée sociale ne se présente pas sous de meilleurs auspices. Ni les fermetures d’usine, ni les difficultés de celles qui gardent à peine la tête hors de l’eau, ni l’explosion du chômage, ni l’étendue et la gravité de la fracture sociale, ni l’incertitude économique et technologique liée entre autres à l’absence de visibilité et de stabilité politique, sociale et fiscale, ni les bouleversements mondiaux, la montée en puissance de redoutables concurrents, ni hélas notre décrochage industriel et moins encore l’accalmie des prix ne semblent tempérer les ardeurs revendicatrices des salariés qui ont encore le privilège de l’emploi.
L’impatience, les dérives et débordements des sans-emploi pour cause de … désordre social qui fait fuir l’investissement n’ont plus de limites. Ils veulent tout et tout de suite au risque de condamner, en toute impunité, des secteurs d’activité aussi vitaux que ceux des phosphates, du gaz et du pétrole. Ils ne seront pas les seuls à comparaître demain devant les tribunaux de l’Histoire.
La vérité est que les gouvernements qui se sont succédé tout au long de ces dix dernières années sont passés maîtres dans l’art de l’hypocrisie, de l’esquive et de la fuite en avant. Ils ont fait, y compris ceux gratifiés du label religieux, du court terme leur nouvelle religion. Estampillés CDD, ils ont érigé les promesses qu’ils ne pouvaient honorer en programme politique. De quoi attiser les frustrations, la colère et la révolte des insoumis et des laissés-pour-compte qui s’autorisent tous les abus au nom de droits déliés de toute obligation.
« L’impatience, les dérives et débordements des sans-emploi pour cause de … désordre social qui fait fuir l’investissement n’ont plus de limites »
C’est à cela que le gouvernement Mechichi doit s’attaquer en premier pour éviter un embrasement social. Il doit pouvoir conquérir le cœur de ces jeunes et moins jeunes et les amener à la raison.
En allant à leur contact et en renouant les fils d’un dialogue franc et sincère. Il s’est dit déterminé à remettre l’ouvrage sur le métier pour bâtir un socle de confiance qui ne souffre d’aucun malentendu.
Il est certes dans son rôle mais il doit en faire sa principale mission. Et pour cause, toutes les crises économiques, sociales, financières et même politiques ont pour origine commune la crise de confiance qui a sapé les fondements de l’économie et de la société. Et c’est dans l’action plus que dans les discours et les promesses sans lendemain qu’elle se résout. A croire que cela ne semble pas du goût de tout le monde. Sinon comment expliquer l’attaque meurtrière d’El Kantaoui en ce lieu précis et à l’heure où le gouvernement prend ses quartiers ?
Cela prouve, si besoin est, que le ventre qui a enfanté le monstre terroriste est encore fécond. On voudrait voir tomber les masques maintenant et tout de suite. L’heure de vérité a sonné pour tout le monde. Qu’on se le dise.