Contesté au sein même de son parti, Rached Ghannouchi est déterminé à briguer un troisième mandat. Et ce, en dépit du règlement interne. Alors, il aurait recours à un référendum interne pour contourner le fameux article 31. Une manœuvre périlleuse.
« Le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême », disait l’ancien Secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger. Ainsi, cette célèbre citation semble s’appliquer parfaitement à Rached Ghannouchi, 79 ans, l’inamovible leader du mouvement Ennahdha.
Car le fondateur d’Ennahdha s’est apparemment habitué au confort de son fauteuil à Montplaisir. Il n’est guère enclin à rendre le tablier. Il se tient même prêt, contre vents et marées, à briguer un troisième mandat. Et ce, en dépit du fameux article 31 du règlement interne. En effet, cet article interdit le mandat de trop. Outre le vent de fronde qui souffle pour la première fois sur le Temple bleu. Du jamais vu de mémoire d’un Nahdaoui.
Clivage
De ce fait, le parti islamiste, réputé pour la discipline de ses adhérents, est déchiré par un conflit ouvert et public. D’une part, les frondeurs groupés dans la liste des 100, dont des dirigeants de premier plan et des députés. Ils s’opposent à la réélection de Rached Ghannouchi à la tête du parti, lors du 11ème congrès. Et d’autre part, les fervents disciples du cheikh. Lesquels soutiennent son maintien, fût-ce en portant une grave entorse à la « démocratie » au sein du parti.
Et c’est ce schisme profond au sein du mouvement Ennahdha qui explique les propos incendiaires d’Abdelatif Mekki, l’un des frondeurs notoires, contre l’actuel président controversé du parti islamiste.
Question d’éthique
Ainsi, pour sa première apparition médiatique après son départ du ministère de la Santé, le dirigeant au sein du mouvement Ennahdha, a sévèrement critiqué la volonté du président du parti, Rached Ghannouchi de prolonger son mandat. Qualifiant toute tentative dans ce sens d’ « atteinte aux valeurs fondamentales d’Ennahdha ».
« Il est normal que des divergences existent au sein du parti », a t-il admis. Et ce, lors de son intervention hier jeudi sur les ondes de Houna Shems. Seulement, on espère que c’est l’éthique et la raison qui l’emporteront. Rached Ghannouchi n’a pas le droit de mettre Ennahdha en danger ». Tel est l’avertissement solennel que lance l’ancien ministre de la Santé.
Tout en excluant une révision du règlement interne d’Ennahdha, Abdelatif Mekki est revenu longuement sur le fameux article 31. Lequel « exprime une valeur éthique et politique. Le fait de détenir la présidence du parti durant une longue période peut conduire à des déviances regrettables », fait-il observer. Et de poursuivre: « Il faut, de ce fait, assurer l’alternative par la loi, conformément à l’éthique. »
Puis, il conclut: « Je ne pense pas que l’amendement de l’article 31 soit accepté. Ghannouchi ne doit pas choisir la prolongation. Il est de son devoir de se conformer à l’article 31 et laisser le parti faire le reste. »
Poussant plus loin le bouchon, Abdelatif Mekki a soulevé la succession du cheikh de Montplaisir. En signalant clairement qu’Ennahdha ne dépendait pas de Rached Ghannouchi. « Affirmer le contraire serait une insulte au parti, qu’elle émane de l’intérieur ou de l’extérieur. La relève a toujours été assurée au sein du parti », affirme-t-il.
Entourloupette
Toutefois, et à mesure qu’approche le Congrès national et sachant parfaitement qu’un passage en force n’a aucune chance d’aboutir, on murmure du côté de Montplaisir que le patriarche aurait recours à une géniale entourloupette: un référendum lui permettant de jouer les prolongations!
Il aurait, semble-t-il, trouvé une faille dans article 133. Lequel stipule que le président du parti ou une majorité des membres du conseil de la Choura peuvent proposer un sujet au référendum à la totalité des adhérents du parti.
Alors, si les résultats du référendum étaient en sa faveur, ce serait la volonté de la vox populi et non la sienne. Et le tour est joué.
Génial, n’est-ce pas?