Cela fait plus d’un mois que le couvre-feu est instauré. Depuis le 20 octobre à ce jour la circulation est permise de 5h à 20h du lundi au vendredi. Par contre au week-end de 5h à 19h. De ce fait, rester chez soi est ressenti comme étant un vrai malaise. D’ailleurs, les conséquences économiques sont lourdes. Mais plus encore, les restaurateurs ont encore le sentiment de payer l’addition… car le monde de la nuit se met en sommeil …Plus de sorties, plus de consommation. On se demande d’ailleurs comment les barmans, les serveurs, les Dj, etc… vivent-ils ?
Amine, un jeune barman, s’interroge sur l’utilité du couvre-feu. « Il suffit de suivre le protocole sanitaire à la lettre, et qu’on nous laisser travailler… Cela devient de plus en plus gênant, on ne sait vraiment pas jusqu’à quand ça va durer ! « , s’exclame-t-il.
De son côté, Fadhel, DJ et gérant d’un bar lounge, souligne pour sa part: « Indépendamment du confinement, il y a le couvre-feu que l’Etat a imposé. Ce qui rend le monde de la nuit pratiquement inexistant. Tout le monde est touché et personne n’est épargné. A commencer par le personnel, les agents de sécurité, les artistes… D’ailleurs, il n’était pas possible de garder toute notre équipe. Nous avons dû licencier une partie du personnel. Car nous n’avons plus les moyens de payer les salaires de tout l’effectif. Alors, effectivement, il y a eu des victimes de la crise. Nous avons conservé le strict nécessaire. Et pour parler chiffres, seul le tiers du personnel est resté. Malheureusement, il y a un ordre de priorité. »
Et de poursuivre : « Si le couvre-feu se prolonge, j’ignore comment nous terminerions l’année. Mais ce que j’espère, c’est qu’il s’arrête. Par ailleurs, ce qui s’est passé avec la crise sanitaire n’a rien à voir avec la période de couvre-feu instauré en 2015, suite à une attaque terroriste. Aujourd’hui, la situation est beaucoup plus grave pour notre secteur. Ainsi, en tant que DJ, je n’arrive même pas à couvrir une partie de mes frais. Actuellement, je ne demande qu’une chose, nous permettre de reprendre notre activité. Sachant qu’on essaie d’appliquer au mieux le protocole sanitaire. »
Il en va de même pour Adem, serveur qui lui aussi souhaite la reprise de son activité. Tout en déclarant: « Nous n’avons plus de quoi vivre. J’espère que l’activité reprenne. C’est malheureux ce qui se passe ».
Ridha, gérant d’un bar lounge, répète lui aussi sans cesse « on souffre » … Il nous confie : « On a fermé durant trois mois (mars, avril et mai) et on a repris le 4 juin. Fort heureusement que nous avons pu reprendre le travail avec notre clientèle tunisienne. Vous savez, il y a un vieux proverbe français : « L’hirondelle ne fait pas le printemps », comment on peut travailler alors que le couvre-feu est imposé à 20h… Mais plus encore, les gens ne pourront pas sortir alors qu’ils finissent tard… Autrement dit, ils pourront venir pour un afterwork. Mais imposer une telle heure n’est pas une solution adéquate ».
Avant de continuer: « J’ai 36 ans de carrière (janvier 1987) et je peux vous garantir que j’ai assisté à des événements tragiques mais cette crise économique, c’est du jamais vu. D’ailleurs, on ne peut pas la comparer avec les émeutes du 14 janvier 2011 ou encore celle du couvre-feu de 2015 suite à l’attaque terroriste du 24 novembre 2015. Aujourd’hui, tout le monde est endetté… »
Aujourd’hui, aucun secteur n’est épargné ! Le monde de la musique n’est pas en reste. C’est ce que nous affirme Malek Lakhoua, artiste, musicien, et pilier de la scène jazzy qui revient sur la situation des artistes en ce temps de crise sanitaire où l’absence des festivals est ressentie.
Et de conclure: « Ce sentiment d’être en contact avec le public, proposer des projets différents et jouer dans différents clubs, au théâtre ou au festival, nous a été retiré à cause de la Covid-19. Même si la vague du live-streaming a séduit, ce modèle n’est pas économiquement viable en Tunisie puisqu’il se base sur les donations et les subventions pour payer les concerts. L’absence du festival nous peine. J’espère que dans les prochains mois, les artistes pourront se produire sur scène. »
Pour beaucoup de Tunisiens, le couvre-feu a eu des répercussions néfastes, en attendant des jours meilleurs où toute activité nocturne reprenne.