L’UGTT a engagé ces derniers jours une médiation pour une sortie de crise. Et ce, suite au blocage consécutif au remaniement ministériel opéré par Hichem Mechichi. Un rôle qui va bien à un syndicat qui a toujours été un acteur de la scène politique. Que l’on soit d’accord ou pas d’ailleurs. Ou que l’on répète aujourd’hui que la politique ce n’est pas le rayon d’un syndicat. En réalité, cela importe peu. C’est une question d’ADN de la société tunisienne. Et c’est sans doute tant mieux.
C’est bien un déterminisme. Il est fonction donc d’une évolution historique de la Tunisie. Où le mouvement syndical a été toujours dans son ensemble très proche du vécu politique du pays. Ainsi en est-il, de Mohamed Ali Al Hammi à Farhat Hached. En effet, le syndicalisme s’est déterminé en fonction d’une colonisation contre laquelle les leaders syndicalistes se sont d’abord engagés. L’engagement de l’UGTT pour le développement du pays a fait le reste.
La preuve? Ces deux éminents leaders syndicaux ont toujours souffert de l’adversité d’une colonisation. Laquelle a toujours vu du reste dans les syndicats tunisiens un des porte-voix et un outil de la lutte pour la libération nationale.
Ainsi, Mohamed Ali Al Hammi, qui créa la Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens (CGTT) fut exilé, en 1925, et mourut à l’étranger. De même, Farhat Hached fut assassiné sur ordre de la Résidence générale de la France, en 1952. Il était du reste le chef de la résistance à l’occupant.
Alors, que l’on soit d’accord ou pas, que l’on répète aujourd’hui que la politique ce n’est pas le rayon d’un syndicat, cela importe peu. C’est une question d’ADN de la société tunisienne.
Et heureusement peut-on dire aujourd’hui. Dans la mesure où l’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail), pensent certains, est un acteur engagé du côté des plus démunis et des sans-voix. Qu’elle ne veut pas jeter en pâture aux hommes politiques et aux mafiosos qui défendent d’abord leur paroisse et leurs intérêts.
Rien d’étonnant donc dans ces conditions que l’UGTT intervienne pour jouer un rôle déterminant. Et ce, afin de désamorcer la crise qui se fait jour entre les trois présidences. Principalement au sujet du dernier remaniement ministériel opéré par Hichem Mechichi. Mais aussi autour de la prestation de serment de quelques ministres soupçonnés de conflits d’intérêts.
Puisque les faits sont là. Têtus. Les rencontres du secrétaire général de la principale centrale syndicale, Nourreddine Taboubi, avec le président de la République (3 février 2021) et le chef du gouvernement (5 février 2021) s’inscrivent donc dans cette évolution historique.
« On connaît mieux quelqu’un par l’histoire de ses ascendants »
Mais, les adversaires de l’UGTT –car, il en existe- savent de quel bord elle est. D’ailleurs, les dernières déclarations de Nourreddine Taboubi en disent long sur les positions de l’UGTT. Comme celle assurant que « Hichem Mechichi s’est entouré de tout un gang mené par la coalition du mal ».
Gageons que tout le monde, à commencer par ses adversaires, savent que rien ne pourrait être entrepris sans une certaine paix avec la principale centrale syndicale. Les prochains jours, lorsque viendra surtout le temps de négocier des tournants importants dans l’agenda du gouvernement Mechichi, exposés le 2 février 2021, devant les députés à l’occasion du vote de confiance aux onze nouveaux ministres, ne pourraient que nous le prouver.
Et pour revenir au déterminisme évoqué plus haut, faut-il rappeler que deux parmi les plus importants leaders politiques qui ont marqué deux étapes importantes de l’histoire économique de la Tunisie, Ahmed Ben Salah et Hédi Houira, sont des leaders syndicaux?
On pourrait dire autant de Mahmoud Messaadi, le père de la réforme de l’éducation dans les années soixante. Ainsi que d’Abdallah Farhat, qui a été sans doute le plus important réformateur du secteur de la poste et des communications. Et encore Mustapha Filalli, ancien ministre de l’Agriculture, qui a aboli les Habous (« biens rendus inaliénables pour en affecter la jouissance au profit d’une œuvre pieuse ou d’utilité générale »).
Un écrivain français du nom de Marcel Jouhandeau disait ceci: « On connaît mieux quelqu’un par l’histoire de ses ascendants que pour l’avoir pratiqué soi-même. »