La semaine dernière, le président turc Recep Erdogan a annoncé que le smic net augmentera de 50 % au 1er janvier 2022 pour atteindre 4 250 livres alors que le smic brut culminera à 5 008,5 livres, soit une augmentation de 40 % en un an.
Depuis plusieurs années, le salaire minimum augmente fortement en Turquie, parallèlement à une inflation galopante. Au cours de la dernière décennie, le smic brut a augmenté en moyenne annuelle de 17 % et les prix de 12 %. Et les taux s’accélèrent. L’inflation officielle était de +21,3 % en glissement annuel en novembre 2021 ; elle pourrait même être de +58 % selon le groupe d’économistes indépendants Enag.
Pourtant, malgré ces indicateurs économiques désastreux, les exportations turques demeurent très actives. Dans un secteur comme celui du textile-habillement, la Turquie continue même à gagner des parts de marché, consolidant en 2021 sa place de second fournisseur en textile et de 3ème fournisseur en habillement de l’Union européenne.
Ainsi, à fin septembre 2021, les exportations turques de textiles vers les marchés européens ont progressé de 30 % par rapport à fin septembre 2020, et celles d’habillement de 14 % alors que les importations européennes textiles de toutes origines baissaient de 34 % et celles d’habillement n’augmentaient que de 0,7 % !
Pourquoi ces très bons résultats à l’exportation ?
Tout simplement parce que la Turquie bénéficie de trois avantages compétitifs majeurs :
1. Elle est un important producteur de coton et jouit donc d’une relative indépendance vis-à-vis de l’étranger pour ses approvisionnements en matières, du moins pour cette fibre.
2. Elle bénéficie d’un accord très avantageux d’union douanière avec l’UE lui permettant d’exporter à droits nuls ses produits vers les marchés européens dès l’instant où ils sont fabriqués en Turquie, quelle que soit l’origine des matières utilisées.
Ce privilège permet non seulement aux confectionneurs turcs d’utiliser des cotons bon marché pour la fabrication de vêtements destinés à l’exportation mais aussi aux cotonniers turcs de vendre leurs tissus à prix forts aux confectionneurs du Maghreb, obligés, eux, de s’approvisionner en tissus d’origine euromed pour bénéficier des droits de douanes nuls à l’entrée dans l’UE.
3. Depuis plusieurs années, la forte dépréciation de la livre turque.
Le 20 décembre 2011, la livre valait 40 % d’un euro. Le 20 décembre 2021, elle n’en vaut plus que 5 %.
Cette dépréciation compétitive permanente de la livre turque et qui s’accélère depuis quelques semaines permet entre autres à la Turquie d’éponger les augmentations de ses salaires. Il y a dix ans, le smic brut mensuel turc valait 363 euros.
En janvier 2022, il n’en vaudra plus que 270 euros malgré sa très forte augmentation en monnaie turque !
Mais l’objectivité nécessite de reconnaître qu’au-delà de ces avantages considérables, la Turquie doit aussi ses succès à l’exportation, à la compétitivité intrinsèque de ses entreprises et au dynamisme entrepreneurial de leurs dirigeants.
Par Jean-François Limantour – Président d’Evalliance