Le document qui a fuité et tombé entre les mains de I Watch montre, encore une fois, à quel point trouver un équilibre entre les grandes réformes et la protection du pouvoir d’achat des foyers est difficile à atteindre en Tunisie.
La feuille de route proposée par le gouvernement en Tunisie est très simple: réduire au maximum les dépenses de compensation. Pour cela, des hausses des prix de l’électricité et du gaz sont programmées. Ainsi que la libéralisation des prix du carburant progressivement d’ici 2026. Pour rappel, ces deux chapitres couteront 2 891 MTND en 2022. Et ce, sans tenir compte des 600 MTND qui sont injectés dans les sociétés nationales de transport.
Les grandes lignes des réformes
Le plan vise également à rationaliser les subventions des matières de base en passant à des transferts financiers dès 2023. La cession de quelques entreprises publiques n’est pas exclue. Bref, il y a tous les ingrédients qui peuvent envoyer le pays vers un nouveau cycle de grèves et de perturbations sociales.
Ceux qui vont s’opposer à une telle démarche vont bien évidemment avancer leurs propres idées. A savoir: récupération de l’argent auprès des fraudeurs fiscaux, des contrebandiers et des hommes d’affaires qui ont spolié l’Etat durant des décennies. Comme appui, ils ont même l’argument du discours tenu par le Président de la République qui ne cesse d’insister sur la richesse du pays.
Démarche légitime, mais à lourdes conséquences
Mais est-ce que ces propositions sont réalisables? Certes, non. La réalité tunisienne est plus amère que certains ne le pensent. Il faut comprendre que la capacité de l’économie à générer des revenus fiscaux est quasiment à ses limites. Ce qui explique pourquoi la Loi de Finances a évité d’inclure de nouvelles hausses des taux d’imposition ou de taxes qui touchent les entreprises.
Pour sauver le budget, il faut réduire les dépenses. En d’autres termes, baisser les salaires, les dépenses d’investissement ou les transferts sociaux sous toutes leurs formes. Les premiers sont intouchables, les seconds sont déjà faibles. Il ne reste donc que les transferts sociaux, car il y a une fenêtre pour les optimiser. En particulier, les subventions qui sont orientées vers les foyers peuvent être octroyées sous forme pécuniaire.
Bien que la démarche de l’Etat soit défendable, il ne faut pas nier qu’elle aura des incidences concrètes sur notre quotidien. Les hausses prévues sont purement inflationnistes. Les transferts financiers ne vont tenir compte que de la consommation au sein du foyer. Mais en pratique, nous bénéficions de la subvention partout. Le prix d’un sandwich, même le plus simple, va grimper. Idem pour le coût de transport.
Quant aux entreprises, elles vont perdre en compétitivité, car les coûts de production vont flamber. Le pouvoir d’achat en Tunisie risque de s’effriter davantage et d’être de plus en plus orienté vers les premières nécessités. Les chefs d’entreprises doivent penser, dès aujourd’hui, à modifier leurs business models pour éviter la déroute. Les industriels doivent s’orienter vers les énergies propres. Car consommer encore de l’énergie fossile ou de l’électricité va mettre leurs finances à genoux. Il vaut mieux donc agir et anticiper plutôt que parier sur l’abandon de ces intentions. Car, cette fois, nous sommes vraiment dos au mur.