Les cimenteries, sans doute l’une des plus énergivores, est à son tour rattrapée par le poids exorbitant des subventions au titre de sa consommation d’énergie. Le ministre de l’Industrie n’en voit plus l’utilité sur le marché des cimenteries proche de la saturation surtout que de nouveaux candidats, et non des moindres, se bousculent au portillon. Le ministre de l’Industrie et futur chef du Gouvernement était décidé et résolu à mettre fin à un système de subventions qui grève le budget de l’Etat sans que, dit-on, la suppression puisse avoir de grandes incidences sur le développement du secteur des cimenteries en particulier, et de celui du bâtiment en général.
L’impact sur le prix de construction lui paraissait soutenable sans que cela puisse compromettre l’avenir de toute la filière, partant du fait que quand le bâtiment va tout va. Les cimentiers, aux marges de manœuvre très réduites et n’ayant aucune prise sur les prix administrés et peu profitables, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils ont fait front et fini par obtenir les nécessaires réajustements sans lesquels la suppression des subventions sonnerait le glas de tout le secteur. L’accord qui fut conclu est dans la pure logique d’une économie de marché. Le ministère dut consentir à un véritable package : suppression de la subvention accompagnée d’une libéralisation des prix et des exportations.
Mieux, il étala la suppression de la subvention en deux temps : 50% du total se fera en date du 1er janvier 2014, les 50% restants seront supprimés à partir du 30 juin de la même année.
Plus question de subventionner du ciment exporté à la charge du contribuable tunisien, mais fini également l’hégémonie de l’administration, seule habilitée jusque-là à décider du niveau du prix de la tonne de ciment vendu, surtout que les cimenteries ont convenablement respecté le cahier des charges et procédé à une impressionnante augmentation de la capacité de production.
Les deux parties se sont accordées sur la démarche et sur son plan de déroulement. Le ministère s’en désengage pour réallouer ces montants au profit du secteur « technologique » au fort potentiel de croissance. Les cimentiers, évoluant dans un secteur hyperconcurrentiel, se donnent plus d’air et de marge de manœuvre.
Mais tout a un prix. La suppression de la subvention aux cimenteries coûtera en frais supplémentaires au citoyen consommateur de 1 à 1.5 dinars en sac de ciment, ce qui revient à dire de 20 à 25 dinars la tonne selon les performances des entreprises. Rapporté au prix du sac qui se négocie actuellement à quelque chose comme 5.6 dinars, la progression est quand même conséquente. S’il faut ajouter les répercussions de l’explosion des charges salariales et autres des cimenteries, dont les prix, il faut bien le dire, n’ont pas bougé depuis 2011, la note serait beaucoup plus salée et ne serait pas sans conséquence sur le secteur de la construction, seul branche d’activité dont la contribution à la croissance n’a pas faibli ces trois dernières années.
Seule certitude pour l’heure : la suppression de 50% de la subvention aux cimenteries à partir du 1er janvier. Pour le reste, les cimentiers sont livrés à eux-mêmes, victimes de l’indifférence et du mépris de l’administration. Car le ministre du Transport, dont dépend la suite de l’opération, joue sa propre partition et ne semble pas pressé de donner son feu vert pour la libéralisation des prix. Les cimentiers n’en ont pas été informés officiellement si ce n’est par bribes d’informations à travers les médias sans que cela ait une résonance et un support officiels.
Et les professionnels, face au mutisme du ministère du Commerce, de s’interroger. Certains n’hésitent pas à afficher les nouveaux prix. D’autres préfèrent temporiser. Mais pas pour longtemps. Si rien d’officiel ne vient confirmer les termes de l’accord, l’idée de recourir à l’arrêt de la production des cimenteries est déjà dans l’air. Le bras de fer cimentiers – ministère du Commerce aura-t-il lieu ? Une chose est certaine : les premiers se disent lassés des débordements de l’administration et paraissent disposés à bétonner dur pour défendre leur droit au développement.