Le rapport établi par l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique des médias recense 340 pages de dépassements commis par les journalistes de la presse écrite durant la période allant du 1er janvier au 30 septembre 2013. Ces dépassements contribuent significativement à ternir l’image des médias, déjà en crise de confiance auprès des citoyens.
Depuis bientôt trois ans, d’importantes mutations ont touché le paysage médiatique tunisien. La presse écrite, qui vivait sous la contrainte jusque-là, a joué un rôle majeur depuis le 14 janvier 2011.
Il est clair qu’une marge de liberté de la presse, revendiquée et défendue, a été acquise, malgré les obstacles continus auxquels ont dû faire face les professionnels des médias. D’ailleurs, les violations des droits des journalistes ont valu à la Tunisie un déclassement, selon le rapport de la liberté de presse. Cependant, il faut bien admettre qu’au fil de ces trois dernières années, la confiance entre citoyens et médias piétine encore. La presse étant souvent qualifiée de « presse de la honte, presse partiale, malhonnête, partisane, presse de l’opposition …». Il est alors légitime de se demander si les journalistes eux-mêmes ne seraient pas en partie responsables de l’atteinte portée à l’image de marque de la profession, considérée comme le garde-fou de la démocratie.
Presse écrite : 339 pages de dépassements
Le rapport, établi par l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias, en collaboration avec l’International Media Support, a pour objectif de recenser les dépassements commis par les journalistes entre le 1er janvier et le 30 septembre 2013. Ce projet, qui avait pourtant vu le jour en 2009, n’avait pas pu déboucher sur un rapport publiable, fautes de ressources financières et humaines.
Le suivi des quotidiens papiers (francophones et arabophones), « article par article » précise Néjiba Hamrouni, présidente du Syndicat des journalistes tunisiens, a permis de constater qu’il y a eu « de nombreux cas de non-respect de la déontologie du métier. Ce qui pourrait avoir causé un amalgame entre la notion de liberté de la presse et les dépassements commis par certains confrères », ajoute-t-elle.
Malgré la difficulté de classer ces violations par genre, le rapport dénombre finalement 25 violations de l’éthique, telles que les « rumeurs, canulars, publireportages, manipulations de personnes en état de détresse, plagiats, titres mensongers… ».
Il s’agit ici de donner aux journalistes la possibilité de s’auto-corriger. « Il ne faut pas qu’on laisse l’opportunité aux citoyens de critiquer les médias, mais c’est aux médias de s’autocritiquer ». C’est donc dans le but de « rectifier l’image des médias, sur laquelle le syndicat des journalistes travaille d’arrache-pied, qu’a été rédigé ce rapporte », rassure Mme Hamrouni.
Explicitement : « Le syndicat des journalistes recense les dépassements, non dans le but de créer une mauvaise image de tel ou tel média, mais avec pour objectif de défendre le métier. Car, on ne peut palier aux dépassements qu’après avoir reconnu qu’on en commet ».
Pas de démocratie sans journalisme rigoureux, pluraliste et responsable
Pour Jamel Edine Bourigua, président de l’observatoire, la révolution a certes permis de gagner une marge de liberté, « un chaos créateur », mais il n’est dans l’intérêt d’aucun acteur de l’information de commettre des dépassements qui pourraient porter atteinte à la fiabilité des médias. Il faut tenir compte surtout de l’environnement médiatique actuel, car « la presse écrite est en concurrence avec la presse électronique et les réseaux sociaux, ce qui accentue la défiance du citoyen ». Le journaliste doit donc renvoyer une image professionnelle et non compromettre le corps de métier. Et M. Bourigua de conclure : « seule la passion du métier » est capable d’améliorer l’image des médias.