Dotée d’une équipe d’analystes et d’économistes chevronnés, le département « Recherche et Analyse » de l’intermédiaire en Bourse MAC SA vient de réaliser une analyse, une sorte de bilan, sur l’économie tunisienne après la révolution et notamment après l’adoption d’une nouvelle Constitution et la formation d’un nouveau gouvernement après la fin d’un long suspense pour les Tunisiens. L’analyse mène une réflexion sur les réformes en profondeur à mettre en place pour redresser la situation.
« Aujourd’hui, la Tunisie a besoin de réformes sérieuses, d’un gouvernement courageux pour lancer une réforme fiscale audacieuse…et d’une équipe audacieuse pour gagner la bataille de la normalisation du secteur informel », insistent les analystes de MAC SA.
Toutefois, ces derniers reconnaissent que « ce n’est pas facile, ça demande du temps et des sacrifices ». Et d’ajouter que la brise de jasmin qui souffle aujourd’hui sur l’économie tunisienne, en perte de vitesse depuis plus de deux ans, montre que le possible n’est pas l’apanage des pays industrialisés, il a aussi des origines tunisiennes.
Qualifiant de « décevant » le bilan de trois ans de révolution et de « réjouissant » sur le plan des libertés et sur le plan institutionnel surtout sur le terrain économique et sécuritaire, les analystes de MAC SA estiment que tout peut changer si la raison citoyenne guide les décisions économiques.
« Tout est possible, si le gouvernement actuel ne sera pas contaminé du virus de la « main tremblante », et engagera rapidement les réformes qui redonneront confiance aux acteurs économiques », décrypte Moez Labidi, conseiller économique auprès de MAC SA.
Comment devraient réagir l’opposition et le syndicat en ce moment ? À cette question l’analyste estime que l’opposition devrait oublier pour quelques mois ses calculs électoraux et abandonner ses réflexes pavloviens de dénigrement systématique des mesures gouvernementales, tout en désertant les thèses populistes, en espérant que le syndicalisme ne sombre pas davantage dans les méandres de la fièvre revendicative.
Et d’ajouter que la balle est plus dans le camp des forces syndicales qui seront amenées à discipliner leurs troupes, et des partis de l’opposition qui devront éviter de chercher « un deuxième tour au dialogue national en alimentant la fièvre revendicative dans la rue ».
« Ce gouvernement doit réussir son pari. Car son échec serait coûteux économiquement et politiquement », poursuit l’analyse.
Sur le plan économique, la réussite du gouvernement Jomaa déclenchera une dynamique de réformes, pour les dossiers les plus urgents (compensation, secteur financier, fiscalité, code des investissements, …), qui forcera le prochain gouvernement, issu des urnes, à adhérer à cette dynamique et à démarrer les grands chantiers de réformes structurelles (système éducatif, caisses sociales, infrastructure, …) prévoit M. Labidi.
Quoi qu’il en soit, l’échec du nouveau gouvernement coïncidera avec le blocage des réformes, et la résurgence des problèmes de liquidité. Du coup, l’impasse financière refera surface et finira par plonger la Tunisie dans une cure d’austérité.
« Sur le plan politique, la réussite du nouveau gouvernement ne pourra que confirmer le réservoir de compétences dont dispose la Tunisie », note MAC SA.
A quelques mois des élections, les analystes de MAC SA sont bien conscients qu’il existe aussi des défis à relever parce que certains risques continuent sont encore à l’affût.
En premier lieu, le contexte international, malgré certains signes positifs, reste très volatil. Un scénario d’appréciation du dollar n’est pas à exclure. Les tensions sur les monnaies émergentes pourraient accélérer le mouvement de « fuite vers la qualité ». Les capitaux désertent les places financières émergentes pour trouver refuge sur les actifs américains. L’appréciation du billet vert serait coûteuse pour l’économie tunisienne pour deux raisons : d’une part, à travers le renchérissement de la facture pétrolière, et d’autre part, avec l’alourdissement du service de la dette.
Le deuxième sujet de préoccupation est la vigueur de la reprise dans la zone euro. Certes, les craintes de déflation sont exagérées, eu égard à la souplesse de la politique monétaire de la BCE. Mais, le maintien du taux d’inflation dans la zone d’inconfort de la BCE, à 0,8% en décembre, alors que l’objectif de la BCE est de maintenir le niveau des prix proche de 2% reste quand même un élément d’inquiétude qui pourrait affecter la solidité de la reprise européenne et retarder le redressement des exportations tunisiennes.
Troisièmement, il n’est pas certain que le nouveau contexte rassurant puisse booster les flux des IDE en direction de la Tunisie. Les investisseurs internationaux ne se contenteront pas de l’appréciation du FMI. Ils attendent une confirmation des agences de rating et des organismes d’évaluation du risque-pays. Or les géants de la notation, avant de revenir sur une note, veulent toujours savoir si le gouvernement va vraiment simplifier les procédures, réformer la fiscalité, restructurer le secteur bancaire et, surtout, assainir les finances publiques car c’est le seul moyen de retrouver des marges de manœuvre.
L’incertitude électorale qui va peser sur l’année 2014 freinera également l’enthousiasme des investisseurs internationaux, qui préfèreront attendre les résultats des urnes pour se positionner sur le site Tunisie.
Enfin, l’année 2014 sera l’année de tous les défis. La trêve sociale sera déterminante pour la réussite économique. L’incertitude réside dans la capacité du gouvernement Jomaâ à convaincre le citoyen :
- que les réformes économiques ne sont plus un choix, elles sont plutôt incontournables si nous voulons renouer avec une croissance créatrice d’emplois ;
- que la guerre contre le banditisme des circuits de distribution sera sans merci, et qu’elle finira par inverser la courbe de l’inflation et améliorer le pouvoir d’achat des ménages ;
- et que le coût des réformes ne sera pas uniquement porté par le citoyen. Toute la société devra partager la facture