Après l’adoption et la promulgation de la Constitution en janvier 2014, l’Assemblée nationale constituante s’attellera, à partir d’aujourd’hui 13 février, au processus électoral avec l’examen des propositions relatives à la loi électorale. Ce projet, qui sera discuté au sein des commissions législatives et principalement la commission de la législation générale, sera en dernière étape présenté au vote en séance plénière.
Bien qu’il y ait consensus au sein de l’Assemblée pour garder la méthode des plus forts restes, mode de scrutin utilisé pour les élections du 23 octobre 2011, un des buts principaux de la révision de ce projet de loi est de diminuer le nombre de listes candidates sans toucher à la liberté de se porter candidat, et ce, par la mise en œuvre de mécanismes garantissant le sérieux des candidatures.
Dans ce sens, l’organisation Al Bawsala a mené une étude concernant les résultats des élections du 23 octobre 2011 et a relevé les points suivants :
- La non représentation d’un grand nombre d’électeurs au sein de l’assemblée suite à l’éparpillement des voix sur plusieurs listes qui ne se sont pas traduites en sièges. Ceci peut être observé à titre d’exemples dans 3 circonscriptions, à savoir l’Allemagne avec 57.06% des voix exprimées et non représentées, Siliana 46.01 % et le plus bas étant Tunis I avec 23%. Le total de voix perdues est de 1282884.
- La disparité conséquente entre les voix exprimées pour les différentes listes représentées au sein de l’Assemblée. Le classement par nombre de voix met le mouvement Ennahdha dans la circonscription de Ben Arous à la première position avec 99 489 voix permettant l ‘élection de 4 élus, et la clôture avec celle du Congrès pour la République à Tozeur, et qui a permis l’élection de l’élu Azed Badi avec seulement 2217 voix.
- Sur un total de 1519 listes éligibles, seules 153 ont obtenu des sièges au sein de l’Assemblée, 1366 listes n’ont donc pas permis l’élection d’élus.
Pour rendre plus concret les modes de scrutin qui seront discutés, à savoir la méthode des plus forts restes et la méthode des plus fortes moyennes, Al Bawsala a réalisé une simulation des deux méthodes appliquées aux résultats annoncés des élections de l’Assemblée Nationale Constituante.
Concernant la méthode des plus fortes moyennes, il a été constaté suite à la simulation, ce qui suit :
- Les deux grands bénéficiaires de cette méthode sont le mouvement Ennahdha qui obtient 61 sièges supplémentaires pour un total de 150 sièges et le parti de l’Initiative qui obtient 3 sièges supplémentaires pour un total de 8 sièges.
- En contrepartie, le Pôle Démocratique Moderniste perd 4 sièges sur un total de 5 dans les circonscriptions de Ben Arous, Tunis I, Ariana et France I, le parti Afek Tounes perd tous ses sièges, et le Parti Démocratique Progressiste perd 14 sièges sur un total de 16 en gardant ainsi les deux sièges relatifs aux circonscriptions de Béja et Jendouba.
- Il est à noter qu’il y a des listes qui perdent des sièges mais qui en gagnent aussi, comme l’exemple des listes de la Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement qui perdent 11 sièges et en gagnent 3.
- Ces résultats qui peuvent être obtenus par la méthode des plus fortes moyennes sont dus au fait que ce mode de scrutin favorise les listes ayant obtenu le plus grand nombre de voix par circonscription.
D’un autre côté, concernant la méthode des plus forts restes, il a été constaté ce qui suit :
- Cette méthode est souvent accompagnée par l’instauration d’un seuil minimal en dessous duquel une liste n’est pas incluse dans la répartition des sièges, et que la tendance générale dans les propositions actuelles de loi électorale se dirige vers un seuil de 3%, tandis que pour les élections du 23 octobre 2011, il n’y avait aucun seuil.
- Dans le cas où ce seuil de 3% aurait été adopté durant les élections précédentes, 11 listes perdent leurs sièges dont celle du Parti de la lutte progressiste sur la circonscription de Tunis I qui avait à sa tête Hichem Hosni, et deux listes du Pôle Démocratique Moderniste sur les circonscriptions de Tunis I qui avait à sa tête Samir Bettaieb et de Ben Arous qui avait à sa tête Salma Baccar. D’un autre côté, le mouvement Ennahdha gagne avec ce seuil 5 sièges supplémentaires et le Congrès pour la République ainsi que les listes de la Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement gagnent respectivement 2 sièges.
- Dans ce cas de figure les perdants sont exclusivement des listes de partis et ne touche pas les listes indépendantes.
- Dans le cas d’un seuil à 5%, seront ajoutés d’autres listes aux 11 qui avaient déjà perdu leurs sièges, pour arriver à un total de 39 listes. A titre d’exemple, le Parti Démocratique Progressiste perdrait 9 sièges sur un total de 16, tandis que le Congrès pour la République perdrait 3 sièges pour en gagner 10. Aussi, avec ce seuil, le mouvement Ennahdha gagnerait 15 sièges pour arriver à un total de 104 et le parti de l’Initiative gagnerait 3 sièges pour arriver à un total de 8.
- Dans ce cas de figure et sur le total des 39 listes qui perdraient leurs sièges, seulement 3 sont des listes indépendantes.
- Une étude comparée du seuil minimal utilisée un peu partout dans le monde nous a permis de conclure que les seuils varient généralement entre 2% comme au Danemark et 10% comme en Turquie. A titre d’exemples, la Grèce opte pour un seuil de 3%, l’Allemagne de 5% et la Russie de 7%.
Al Bawsala salue les efforts des élus de l’Assemblée Nationale Constituante et des différents acteurs politiques pour arriver à un large consensus et se diriger vers la diminution du nombre des listes qui ont participé à l’éparpillement des voix durant les élections précédentes. Néanmoins, Al Bawsala appelle à renforcer le mécanisme du seuil minimal par d’autres mécanismes plus effectifs qui ne se contredisent pas avec le principe de l’égalité des chances entre les candidats, et tient à rappeler que les voix perdues lors des élections du 23 octobre 2011 s’élèvent à plus de 31% des voix exprimées.