Acte I, du reste fort agité : trois années durant, il n’y avait que pour la politique qui triomphait avec ce qu’elle a de meilleur et de pire. L’économie était reléguée au second plan, passée par pertes et profits. Les enjeux politiques, faits d’affrontements idéologiques, de lutte pour le pouvoir ont eu raison de l’impératif économique et financier avec les résultats que l’on sait. Dans cette entreprise de harcèlement et de destruction massive, l’Etat se vidait de sa substance à mesure que son autorité était bafouée et ses institutions perdaient prise sur la réalité.
Les entreprises déjà fortement fragilisées par la crise internationale étaient de nouveau soumises aux effets décapants des revendications brutales et excessives et au feu roulant de l’économie informelle qui menace de tout emporter sur son passage. Des patrons de renom, qui ne furent pas tous, tant s’en faut, en odeur de sainteté avec l’ancien régime étaient stigmatisés, ostracisés, jetés en pâture, interdits de voyage, confinés dans un statut de citoyenneté limité alors même qu’ils avaient réussi – quoi qu’on ait pu dire – , à nous rapprocher des pays émergents. On en a fait une proie facile exposée à de sordides chantages à peine dissimulés, aux tentatives de racket et d’extorsion de fonds qui faisaient florès. Ils étaient dans l’attente d’une issue qui ne venait pas. Cette plaie laissée ouverte au flanc du patronat n’était pas de nature à stimuler les ardeurs de la gent entrepreneuriale quand elle ne les condamnait pas à l’inaction.
Les entreprises publiques qui connurent dans un passé récent leur heure de gloire ne furent pas non plus épargnées. Elles avaient été plus endommagées que le reste de l’économie. Elles payèrent un lourd tribut à la déferlante révolutionnaire qui les a pris pour cible. Le déficit cumulé des 20 premières entreprises publiques, autrefois en équilibre quand elles n’affichaient pas de substantiels excédents, s’élève à quelque 3 milliards de dinars. Qui nous font aujourd’hui cruellement défaut.
Surchargées d’effectifs jusqu’à l’overdose, criblées de dettes, distanciées technologiquement, en panne d’innovations, elles doivent aujourd’hui leur survie aux subventions de l’Etat qui n’en peut plus. Il n’a plus les moyens financiers pour les maintenir sous respiration artificielle. Sans un sursaut, sans un électrochoc salvateur de dernière minute, il est difficile de ne pas prédire aux entreprises publiques aujourd’hui bien en peine un destin et une fin tragiques. Grandeur et décadence de celles qui furent les fleurons de l’économie nationale et ses principales locomotives. Fin du premier acte.
Acte II. Voici venu, avec le gouvernement Mehdi Jomaa le temps de l’économie, ultime issue de secours pour le pays humilié par les bailleurs de fonds qui le courtisaient dans un passé pas lointain et malmené, déconsidéré par les agences de notation qui l’ont tellement dégradé au point de lui ôter toute crédibilité financière. Risque spéculatif nous fait-on savoir qui nous range dans la cohorte des pays au bas de l’échelle de la gouvernance mondiale.
L’annonce de ce gouvernement de compétences a eu l’effet escompté : Il nous a fait redresser la tête en nous réhabilitant avec nous-mêmes, nos problèmes et notre avenir. La Tunisie était sauvée par le gong. L’économie était dans les cordes. Le pays était en défaut de paiement et l’on s’acheminait inexorablement vers la banqueroute.
La nouvelle équipe gouvernementale toute orientée vers l’action, au mode de gouvernance bien de son temps, affichant son indépendance à l’égard de l’ensemble des formations politiques, sa volonté de redresser l’économie et sa détermination d’engager les nécessaires réformes n’étant pas concernée par les prochaines échéances électorales gagna en estime. Elle a vite fait de susciter un choc de confiance qu’il va falloir au plus tôt transformer en choc de croissance.
Le gouvernement Mehdi Jomaa a pris ses responsabilités pour faire face à ses propres engagements qui ne sont pas de tout repos. En moins de trois semaines, il a procédé à un audit des finances publiques, des points de friction et des freins qui grippent la machine patronale au point d’inhiber toute velléité d’investissement et du mal qui ronge les entreprises publiques. Il nous a fait part de l’étendue du désastre économique et financier et décrété l’état d’urgence économique non sans lancer un appel homérique à la mobilisation générale et à la réhabilitation de la valeur travail tombée au plus bas.
Il a procédé sans perdre le moindre instant à une large consultation d’experts, de têtes bien pensantes de dirigeants économiques en activité ou qui ont marqué de leur empreinte l’expansion de la sphère économique et financière. Il sait écouter et mieux encore décider et agir. Il rétablit et de fort belle manière les canaux du dialogue et le courant de confiance avec nos champions nationaux acquis à sa cause mais qui n’en espéraient pas moins. Il sut les motiver au cours d’un dîner qui a fait fondre la glace. Ils sont déjà en ordre de marche. Les banquiers de la place ne sont pas en reste. Ils ont réaffirmé leur soutien à l’action gouvernementale et se disent déterminés à financer l’économie réelle et contribuer du mieux qu’ils le pourraient à la création d’emplois et au développement des régions.
Le Chef du Gouvernement sait que pour réussir, il lui faut, en plus du soutien de tous, recréer un environnement expurgé de tensions sociales, d’insécurité et de toute forme de terrorisme. Il doit aussi garantir la stabilité macroéconomique et une plus grande flexibilité microéconomique. C’est ce message d’engagement et d’espoir qu’il vient de réaffirmer au siège de l’UTICA en présence de l’instance dirigeante élargie réunie à l’effet de définir un plan d’envol de l’économie nationale. Il sait que le combat que le pays doit mener contre le chômage, le déséquilibre régional, la fracture sociale, le déficit commercial et budgétaire se gagne au sein de l’entreprise, ces fantassins de la guerre économique des temps modernes. Il leur a promis de faire sauter les verrous, d’alléger les procédures administratives qui freinent l’investissement . Son principal leitmotiv : libérer la croissance en libérant les initiatives. Il leur a dessiné le contour d’un pacte de responsabilité auquel se joindra la centrale ouvrière. Il ne lui a pas fallu plus de 30 jours, profitant ainsi pleinement de son état de grâce pour donner une perspective au pays qui se remet de nouveau à espérer. A charge pour le gouvernement de faire apparaître les premiers signes du changement en termes de stabilité de prix, d’amélioration du pouvoir d’achat et de sécurité.
Mehdi Jomaa et son équipe font pour l’heure un parcours sans faute non sans franchir sinon contourner pièges et obstacles. Il sait parler aux partenaires sociaux dont ils partagent les mêmes convictions, les mêmes valeurs, les mêmes motivations et le même désir de redressement de l’économie nationale. Ses premiers pas sont prometteurs. Un souhait? Dieu le préserve des politiques, car de l’économie, des entreprises des sans-emploi et des déçus de la révolution, il sait en prendre soin.