La nécessité du relèvement de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, évoquée récemment par le ministre des Affaires sociales à l’Assemblée Nationale Constituante, n’a rien de nouveau. Elle a déjà été prônée en 2010 par Naceur Gharbi, ministre des Affaires sociales, sous le régime de Ben Ali. Ce qui est par contre nouveau, c’est que « la décision d’augmenter l’âge du départ à la retraite devrait, selon Ahmed Ammar Youmbai, être prise cette année afin qu’elle puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2015 ».
Le ministre et son équipe, composée des dirigeants des trois caisses de sécurité sociale : la CNRPS, la CNSS et la CNAM, ont, en effet, lors de leur audition à la commission des affaires sociales, présenté le relèvement de l’âge de départ à la retraite à 62 ans comme une mesure anti-déficit, aussi indispensable qu’urgente. L’accélération de sa mise en place devrait permettre « aux caisses sociales déficitaires de reprendre leur souffle pendant deux ou trois années dans l’attente de la mise en place d’une réforme globale du système de la protection sociale », a indiqué le ministre, tout en ébauchant un bilan désolant des équilibres de ces structures publiques de sécurité sociale.
La CNRPS et la CNSS, qui gèrent la branche de pensions de vieillesse, respectivement dans le secteur public et le secteur privé, souffrent d’un déficit structurel et croissant. La CNRPS pâtit en effet d’un déficit de 217 millions de dinars. Le déficit de la CNSS a atteint 78 millions de dinars en 2012 et la caisse ne dispose actuellement que de réserves de 11 mois. Selon les normes internationales, elle devrait au moins disposer de 36 mois de provisions.
Selon Sayed Blel, PDG de la CNRPS, l’une des principales causes du déficit des caisses réside dans le mode de leur financement : un système de financement par répartition où les pensions de retraite sont alimentées directement par les cotisations prélevées au même moment sur la population active.
Affecté par le vieillissement « subit » de la population, l’amélioration de l’espérance de vie, la baisse de la fécondité, et le taux de chômage élevé, le nombre de personnes âgées a augmenté par rapport au nombre des actifs. Les experts du gouvernement parlent ainsi d’un « système arrivé à maturité », d’où la « nécessité de le réformer, en repoussant notamment l’âge de la retraite ».
Cette mesure a été évoquée, entre autres, par les actuaires (spécialistes des statistiques et des probabilités appliquées aux opérations d’assurance et de finance) du CRESS (Centre de recherche et d’études de sécurité sociale), dans une étude globale qui devrait servir de plan de réforme au gouvernement.
Le relèvement de l’âge de départ à la retraite se trouve également parmi les formules préconisées par les institutions financières internationales. Dans un récent document sur la politique budgétaire et l’inégalité des revenus, des services du FMI recommandent aux économies développées,comme celles en voie de développement, d’ « améliorer la viabilité budgétaire des systèmes de retraite existants en augmentant l’âge légal de la retraite ».
La Banque Mondiale a, quant à elle, depuis le début des années 2000, prédit l’essoufflement des régimes de retraite dans la zone de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en l’occurrence la Tunisie. Dans un rapport datant du 5 juin 2000, l’institution proposait déjà un éventail de mesures dont notamment le relèvement de l’âge de la retraite. La BM avait même établi les étapes d’une réforme réussie, partant de la collecte des données, jusqu’à la réforme des législations. Selon ce schéma, la Tunisie est dans les phases finales avant de réformer son système. L’étude actuarielle achevée, le dialogue national autour de la réforme se profilant pour un court terme, il ne reste qu’à trouver le consensus et à changer les lois.