Avec plus d’une personne sur cinq souffrant de la faim, l’Afrique demeure la région à la plus forte prévalence de sous-alimentation au monde. Mais le tableau de l’Afrique est bien trop vaste pour en faire le tour d’un seul trait. En dépit des succès obtenus dans la lutte contre la faim et dans l’augmentation de la production vivrière, elle est toujours confrontée à des défis considérables de sécurité alimentaire.
Pour les progrès, qui vont de l’introduction de variétés de bananes améliorées en Afrique Centrale à celle du maïs à haut rendement en Afrique orientale et australe, citons les formidables gains de productivité enregistrés en Afrique de l’Ouest dans la culture du manioc, l’expansion remarquable de la production cotonnière au Sahel, et la primauté acquise dans la théiculture et la floriculture par l’Afrique de l’Est qui constitue aujourd’hui le marché privilégié des grands importateurs mondiaux.
En revanche, les crises alimentaires récurrentes qui sévissent dans la Corne de l’Afrique et les régions du Sahel nous rappellent cruellement qu’il faut développer la résilience dans la région et affronter la sécheresse à répétition dont la fréquence et l’ampleur sont aggravées par les changements climatiques. Les effets conjugués de la sécheresse, de la flambée des prix alimentaires, des conflits, des déplacements de population et de la pauvreté chronique infligent d’indicibles souffrances à des millions de personnes à travers le continent.
L’Afrique a la capacité de changer cette situation et de tirer parti de ses acquis pour améliorer sa sécurité alimentaire et le développement durable dans la région. Le lancement du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) en 2003 a permis de stimuler la production vivrière et la sécurité alimentaire. Les Etats africains ont prouvé leur engagement en définissant leurs propres pistes d’action dans ce cadre régional. L’expérience a montré que les pays qui ont accompli les progrès les plus importants sont ceux qui ont affecté – conformément à la Déclaration de Maputo – au moins 10 % de leur budget national au secteur agricole, et qui ont mis en œuvre les pactes du PDDAA.
A ce jour, près de 20 pays africains ont déjà réalisé – ou sont en voie de réaliser – le premier Objectif du millénaire pour le développement visant à réduire de moitié la prévalence de la faim en 2015. Diminuer par deux la faim dans le monde est certes une étape importante, mais ce n’est qu’une étape vers le véritable objectif qu’est celui de l’éradication totale de la faim. L’Afrique est sur la bonne voie. Lors du Sommet de l’Union africaine en janvier dernier, les dirigeants ont proposé de fixer à 2025 l’objectif « faim zéro » pour la région. Cet objectif, qui devrait être officiellement adopté au prochain Sommet de l’UA dans le courant de l’année, constitue le signe fort d’un engagement vers l’avenir que nous souhaitons tous.
Quarante pays ont déjà signé les pactes du PDDAA et 28 pays ont développé des Plans nationaux d’investissement agricole, le défi restant toutefois leur mise en œuvre. Le manque d’investissements dans l’agriculture et la protection sociale demeure un obstacle à l’accroissement de la production vivrière et à la réduction de la faim. Il appartient donc aux gouvernements, en partenariat avec la communauté internationale, le secteur privé et les organisations paysannes, de créer les conditions pour un développement rural durable.
Nous avons besoin de mécanismes de financement novateurs, de différentes formes de partenariats public-privé et de nouveaux modes de coopération sud-sud qui placent clairement la sécurité alimentaire et les besoins des petits agriculteurs et éleveurs pauvres au cœur de nos débats.
Le Fonds africain de solidarité est un exemple de financement innovant. Officiellement créé en 2013, il sert de mécanisme par lequel les pays africains à revenu supérieur peuvent contribuer à la sécurité alimentaire du continent en aidant les pays et leurs organisations régionales à éradiquer la faim et la malnutrition, à éliminer la pauvreté rurale et à gérer de façon durable les ressources naturelles. Cette initiative constitue à la fois un signe de solidarité et de reconnaissance que, dans le monde d’aujourd’hui, la sécurité alimentaire ne peut être réalisée à l’échelle d’un seul pays.
Les efforts en cours doivent aider l’Afrique à exploiter pleinement son potentiel économique et à rendre sa croissance plus inclusive. Pour y parvenir, deux éléments s’imposent: les jeunes et l’agriculture, qui seront précisément au centre de la 28e session de la Conférence régionale de la FAO pour l’Afrique qui se tiendra du 24 au 28 mars 2014 à Tunis.
Aujourd’hui, plus de la moitié de la population africaine a moins de 25 ans, ce qui en fait la plus jeune région du monde. Pour la décennie à venir, environ onze millions de jeunes Africains entreront chaque année sur le marché du travail. Il sera donc capital de créer – dans un secteur agricole modernisé et dynamique – des emplois décents pour cette jeune main-d’œuvre afin de pouvoir tirer parti de ce ‘dividende démographique’.
L’année 2014 est bien choisie pour renforcer la sensibilisation à l’importance de l’agriculture et des jeunes pour un développement inclusif et durable en Afrique. L’ONU a proclamé 2014 « Année internationale de l’agriculture familiale », et l’Union africaine célèbre aussi son Année de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Profitons de cette occasion pour focaliser notre attention, nos politiques et nos activités de plaidoyer sur la promotion de l’agriculture et des petits paysans, pêcheurs, cueilleurs de produits forestiers, ainsi que des communautés traditionnelles et autochtones, qui offrent une contribution significative à la sécurité alimentaire en recevant bien peu de soutien en contrepartie.
L’Afrique dispose de toutes les ressources économiques, naturelles et humaines dont elle a besoin pour promouvoir la sécurité alimentaire et le développement durable. Avec une réelle volonté politique, des programmes intégrés reliant la production agricole à la protection sociale, des financements adéquats, et en puisant dans le potentiel de ses jeunes, nous pouvons parvenir à nos fins. Ensemble, nous réussirons.