Le bureau tunisien du Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme a présenté aujourd’hui son rapport sur la situation des prisons en Tunisie, basé sur une comparaison entre la réalité et les standards internationaux.
Au bout de deux ans de travail et de visites des 27 prisons et des six centres de rééducation à travers le pays, les représentants du HCDH ont élaboré un bilan affiné du système pénitentiaire tunisien.
Principal constat : la surpopulation carcérale. Selon Dimitri Chalev, le représentant HCDH, ce phénomène n’est pas dû à l’augmentation de la criminalité, ni à une quelconque poussée démographique. C’est plutôt, le recours systématique à la détention préventive qui positionne la Tunisie parmi les pays avec les plus importants taux d’incarcération dans le monde (28e position) et en Afrique (3e position). Ce taux, représentant le nombre des prisonniers pour 100 mille habitants, s’est répercuté sur le taux d’occupation des prisons. Selon des statistiques que le HCDH a recueillies auprès de la direction générale des prisons et de la rééducation, le taux d’encombrement dans les prisons tunisiennes dépasse souvent 150%. Alors que les normes internationales précisent qu’ils faut au moins 16m² pour quatre prisonniers. A titre d’exemple, dans la prison Houareb à Kairouan, une chambre de 200m² est occupée par 125 prisonniers, soit un surplus de 75 prisonniers.
D’ailleurs, cette propension à la détention préventive, qui devrait être une mesure généralement exceptionnelle, visant à emprisonner un accusé jusqu’à la fin du procès, se traduit même par la typologie des lieux privatifs de liberté. Parmi les 27 prisons du pays, seulement huit sont réservées aux inculpés. Les 19 autres prisons sont toutes réservées à des personnes en attente de jugement.
Quand le jugement attendu en question débouche sur l’acquittement, l’effectivité de la présomption d’innocence et son application dans le système judiciaire tunisien suscite des questionnements. Ces détenus en attente de jugement, qui représentent 58% des prisonniers, et qui se plaignent souvent du retard de leur comparution devant la justice, sont-ils vraiment « présumés innocents jusqu’à l’établissement de leur culpabilité dans le cadre d’un procès équitable, assurant toutes les garanties nécessaires à leur défense durant les phases du procès », tel que le stipule la nouvelle Constitution dans son article 27 ?
Non seulement l’application de cet article s’impose, mais le HCDH préconise de réformer le système pénal et judiciaire de façon à l’arrimer aux préceptes de la Constitution, notamment dans son volet « Droits et libertés », ainsi qu’aux bonnes pratiques recommandées par les normes internationales.
Dans le cadre de la réforme du Code pénal, qui atteindra en mai prochain l’âge canonique de 100 ans, l’institution onusienne recommande de favoriser le recours aux peines alternatives à l’emprisonnement. Les peines de substitution, comme les travaux d’intérêt général ou une amende, pourraient réduire la population carcérale pour des affaires liées par exemple à la drogue.