76 ans séparent le 9 avril 1938 du 9 avril 2014. Malgré la différence entre les contextes historiques, et à bien examiner les dates, il en ressort des ressemblances qui incitent à la réflexion, pour en tirer des leçons.
9 avril 1938 : le sang a coulé à Tunis, 22 morts et 150 blessés sont tombés suite à une fusillade lancée par les forces de l’ordre françaises ; pourtant les manifestations étaient pacifiques, avec pour seule arme des slogans scandés avec véhémence, pour revendiquer la libération d’Ali Belhouane, l’un des leaders du mouvement national, arrêté suite à un discours prononcé contre la colonisation française. Devant le palais de justice, à Bab Mnara, à Bab Souika, le sang a coulé à flots.
9 avril 2012 : Ali Laarayedh, chef du gouvernement à l’époque, a interdit quelques jours plus tôt toute manifestation et toute protestation à l’Avenue Habib Bourguiba, « pour des raisons de sécurité », précisait le ministère de l’Intérieur.
Blogueurs, jeunes, vieux, journalistes, indépendants occupent alors l’avenue, qui a connu les péripéties de la révolution du 14 janvier. A leur grande surprise, les forces de l’ordre ne manquent pas de leur répondre à coup de gaz lacrymogène et de matraque. Une poursuite des plus violentes s’ensuit dans l’avenue et les petites ruelles alentour.
La violence policière n’a épargné personne : tous les manifestants sont alors égaux devant les coups de matraque. Ali Laarayedh, plus tard, le plus sérieusement du monde l’ouverture d’une enquête, dont les résultats se feront longtemps attendre, puisque l’enquête sera « close en date du 9 avril 2013 car l’affaire a été politisée », affirme l’ex-chef du gouvernement, sur les ondes radiophoniques de Shems fm.
9 avril 2014 : tant de revendications insatisfaites… Les familles des martyrs, sous le poids du malheur : celui de la perte d’êtres chers, revendiquent à haute voix la justice et la vérité. Qui a tué nos proches ? Telle est l’unique question qui obnubile les familles des martyrs, telle est la question qui habite une mémoire inhospitalière qui s’obstine à oublier le sang qui a arrosé la terre du pays.
Trois dates tristes et inoubliables : la première est entrée dans l’histoire collective de la Tunisie comme étant un acte de résistance face à la colonisation, la deuxième rappelle le traitement qu’un ministre de l’Intérieur tunisien a infligé à ses propres nationaux, des manifestants pacifistes, et la troisième nous impose un devoir de mémoire pour clamer haut et fort un « Non » ferme à l’impunité.
Le fil conducteur de ces trois dates est la violence, perpétrée soit par le colonisateur, soit les Tunisiens eux-mêmes. L’effet en demeure le même, à savoir l’injustice, la haine et des traces indélébiles qui gravent la mémoire des victimes, déjà lourde des péripéties d’un processus révolutionnaire qui peine à aboutir à une fin digne et honorable.