Hédi Arbi, ministre de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du Développement durable, était l’invité de l’Economiste Maghrébin (Magazine) pour parler de l’infrastructure, du secteur public, de l’investissment. L’interview sera publiée dans la prochaine livraison de l’Economiste Maghrébin du mercredi 16 avril 2014. Nous publions, en exclusivité, quelques extraits de l’entretien…
L’Economiste Maghrébin : L’infrastructure est le meilleur moyen de relance de l’économie, mais il y a une frustration dans la mesure où votre marge de manœuvre est assez limitée. Qu’en pensez-vous ?
Hédi Arbi : […]Nous avons beaucoup de projets qui évoluent avec énormément de lenteur. Notre priorité est donc de les redémarrer. D’autres sont à l’arrêt et ce, pour plusieurs raisons. Certains d’entre eux n’ont pas été bien préparés, notamment à cause des procédures extrêmement lourdes pour ce qui est du foncier. Procédures qui prennent beaucoup de temps et qui sont coûteuses.
Nous n’avons pas réalisé qu’en augmentant trois années de suite le budget d’investissement d’une telle ampleur, nous avons saturé et de loin le marché ainsi que la capacité des entreprises, de sorte que le taux de réalisation annuel global a été inférieur à celui des années précédentes, car les entreprises sont sur plusieurs fronts à la fois.
Il y aussi un problème de manque de main-d’œuvre qualifiée. C’est une réalité, c’est, je dirais même, un paradoxe qui tient au fait que les politiques de soutien à l’emploi n’ont pas été aussi heureuses qu’on le pensait et qu’on le disait, d’autant plus que l’on a indirectement créé des indemnités de chômage sans aucune contre-prestation. Sans parler des chantiers d’intérêt public (hadhayer) dont on abusé et qui ont engendré une masse d’emplois quasi virtuels. Du coup, les entreprises n’arrivent pas à trouver la main-d’œuvre nécessaire, qualifiée ou pas.
Dans l’immédiat, dans l’urgence, qu’allez-vous faire ?
Nous avons entamé un volume important de travaux au niveau des autoroutes et autres ouvrages de réhabilitation de routes, de l’habitat, de l’hydraulique urbaine,…
En réalité, quand on y regarde de très près, ce ne sont pas les investissements qui font que les projets redémarrent, c’est surtout l’institution.
Le problème de l’habitat en Tunisie n’est-il pas dû essentiellement à un problème d’ordre financier ?
[…]La politique de l’habitat n’a jamais été remise en cause. Il est donc temps de remettre tout cela à plat et rapidement. La gestion foncière est complètement désuète car nous n’avons pas de réserves foncières, d’où la spéculation foncière et l’AFH est depuis des années dépassée par la demande.
Aujourd’hui, les couches moyennes et pauvres ne peuvent plus accéder au logement social. Le mode de financement de l’habitat n’est pas adéquat. La BH a des difficultés et les autres banques ne financent que ceux qui ont les moyens.
Quel pourrait être, d’après vous, l’apport des organismes financiers internationaux ?
En fait, les bailleurs de fonds étudient le programme des réformes et jugent si celles-ci sont superficielles ou profondes. Dès qu’ils jugent que ce sont des réformes sérieuses, ils peuvent s’engager et octroyer des prêts.
Ce n’est pas vrai que leurs ressources sont illimitées ou qu’ils peuvent augmenter, sans rien demander, comme ça, une allocation pour un pays donné. Quand ils disent qu’ils sont prêts à nous aider, c’est vrai, mais tout dépend de ce qu’on va leur offrir comme réformes.
Nous devons donc proposer un programme de réformes bien articulées, à un coût politique quasiment nul et à un coût social minima, afin de ne pas compromettre nos chances de réussite de cette phase de transition démocratique.
Il faut plus d’Etat et surtout mieux d’Etat pour que le privé ose franchir le pas et investir dans les régions…
L’investissement public à lui seul n’est pas suffisant pour amorcer le développement, la croissance et l’emploi et les mécanismes d’incitation du privé ne marchent pas non plus. Dès lors, il faudra repenser le mode de développement dans les régions. J’estime qu’il s’agira plutôt de refaire ce qui a été fait au début des années 70, c’est-à-dire que l’Etat est là pour guider et aider le secteur privé à investir et surtout résoudre tous les problèmes qui risquent d’altérer sa rentabilité. L’Etat aura alors l’obligation de créer cet écosystème favorable à l’investissement.
Ce que je perçois, c’est une sorte d’agence de développement régional qui apporte le soutien et l’assistance publics, règle les problèmes qui peuvent survenir et assiste surtout les promoteurs tant locaux, régionaux ou d’ailleurs pour qu’ils investissent dans la région, bien évidemment en minimisant les coûts de leurs investissements.