L’élection de Barack Obama à la Maison-Blanche et son « discours du Caire » (juin 2009) ont suscité un espoir pour tous les tenants d’une résolution politique du conflit israélo-palestinien. Du reste, la première partie de son premier mandat fut marquée par la volonté du « président-Prix Nobel de la Paix » de relancer les négociations entre les deux parties. L’échec de cette entreprise et l’incapacité à faire cesser la colonisation israélienne ont mis à mal la crédibilité du président des Etats-Unis. Il s’agit là de l’une des principales taches de son bilan diplomatique. Sur ce dossier, son second mandat oscille entre le « renoncement » et un volontarisme affichés par son secrétaire d’Etat John Kerry. Or, si les incessantes visites de ce dernier en Israël et dans les Territoires palestiniens ont permis de relancer en juillet 2013 des négociations de paix directes – gelées depuis septembre 2010 – portant sur un simple accord-cadre, à l’approche de la date-butoir et l’échéance du 29 avril, force est de reconnaître que cette entreprise semble aboutir à un énième échec.
En atteste les récentes décisions israéliennes de ne pas libérer une quatrième vague de prisonniers palestiniens et la construction de 708 nouveaux logements dans la zone de Jérusalem-Est. Décision à laquelle les Palestiniens ont répondu par une demande d’adhésion à quinze conventions et traités internationaux susceptibles de permettre, notamment, de mener à des enquêtes et condamnations à l’encontre des violations du droit international par l’Etat israélien. La Palestine a, par ailleurs, demandé à la Suisse d’adhérer à la IVe Convention de Genève d’août 1949 sur la protection des civils en territoire occupé et aux Pays-Bas l’adhésion à la Convention de La Haye d’octobre 1907 sur les lois et coutumes de la guerre sur terre, qui interdit notamment à la puissance occupante de transférer ses nationaux sur les territoires occupés. Par mesure de rétorsion à l’initiative palestinienne, Israël a annoncé des sanctions financières contre l’Autorité palestinienne. Ainsi, le reversement des taxes collectées par Israël pour le compte des Palestiniens – il s’agit des taxes douanières et la TVA prélevées sur les marchandises transitant par Israël, qui les rétrocède à l’Autorité palestinienne – est gelé jusqu’à nouvel ordre… Cela correspond à environ 80 millions d’euros par mois, soit plus des deux tiers des recettes budgétaires propres de Ramallah, qui contribue au paiement de plus de 150 000 fonctionnaires et aux coûts de fonctionnement des ministères. Le négociateur palestinien Saëb Erakat a ainsi condamné « la piraterie israélienne et le vol des fonds du peuple palestinien ».
Si Mahmoud Abbas et Benyamin Nétanyahou campent sur leurs positions, le secrétaire d’Etat américain n’a pas réussi à se départir d’une fonction historique d’« arbitre partial », tant il a donné l’impression de s’aligner par trop systématiquement sur les priorités israéliennes, à savoir la reconnaissance d’Israël comme un Etat juif et le maintien de troupes israéliennes dans la vallée du Jourdain. Pis, les Etats-Unis de Barak Obama sont restés sans réaction face aux manœuvres dilatoires de Nétanyahou, en particulier au sujet du non-gel de la colonisation. M. Kerry n’a cessé de donner une impression d’impuissance volontaire face à la politique de relance continue – voire d’accélération – de la colonisation israélienne. Selon les chiffres avancés par un récent article du Monde, en 2013 « le nombre de logements mis en chantier dans les colonies de Cisjordanie a progressé de 123 [1]% par rapport à 2012, alors qu’à l’intérieur d’Israël, sur la même période, la hausse n’a pas dépassé… 4 % ! ». Cette impuissance sape les négociations, affecte l’idée même de deux Etats coexistant pacifiquement sur la base des frontières 1967 – consacrées par la résolution 242 des Nations Unies – et nourrit le sentiment d’impunité du gouvernement israélien. Un sentiment dont la responsabilité n’incombe pas seulement aux Etats-Unis : tétanisés par le poids de leur histoire, les Européens n’osent pas heurter les Israéliens, ne serait-ce que sur le dossier de l’étiquetage des produits importés des colonies.
L’échec d’aujourd’hui s’inscrit dans la longue histoire du soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël, un allié stratégique pour le libre accès aux gisements pétroliers de la région, soutenu par un puissant « lobby » à Washington (incarné par l’AIPAC) et dont les liens sont renforcés par des facteurs irrationnels (culture biblique et mystique des pionniers commune aux deux pays). Cette relation « spéciale » se traduit par un statut tout aussi « spécial » pour l’Etat israélien, premier destinataire de l’aide financière, civile et militaire étrangère par tête du budget des Etats-Unis, et bénéficiaire privilégié du bouclier diplomatique américain au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis usant de leur veto contre toute proposition de résolutions condamnant les pratiques israéliennes dans les territoires occupés (colonisation en infraction aux conventions de Genève, opérations militaires contre les Palestiniens à Gaza ou contre des voisins arabes, comme le Liban). Ce statut spécial explique aussi la raison pour laquelle les Etats-Unis s’interdisent actuellement de sanctionner les manœuvres dilatoires du gouvernement israélien.
« Je ris de ceux qui disent que cela ne va nulle part. Ils ne savent pas parce que nous n’en parlons pas. Ils n’ont pas la moindre idée de l’état de nos négociations, ni où elles pourraient nous mener », a déclaré John Kerry, à qui voulait l’entendre…
[1] « Israël-Palestine : les quatre erreurs de John Kerry », Le Monde, 08.04.2014