L’Association Tunisienne de Gestion et Stabilité Sociale ( TAMSS ) a présenté, aujourd’hui, 15 avril, les recommandations et les résultats relatifs à son programme « Initiative tunisienne pour l’emploi inclusif ». A cette occasion, une conférence intitulée « Résoudre le problème de l’emploi informel en Tunisie: vers un consensus sur des propositions conjointes« , a été organisée dans un hôtel de la capitale, en concertation avec l’UTICA, l’UGTT, le CRES, la CNSS, la CNAM, l’INTES, l’INS et l’ANGED.
Le projet s’articule autour de trois phases. La première phase a consisté en un diagnostic, qui a permis à cette association de comprendre tous les aspects de l’emploi informel en Tunisie. Puis, la TAMSS s’est concentrée sur la recherche de solutions à cette problématique- et ce dans un cadre participatif et consensuel entre les différentes parties prenantes- à travers l’élaboration de recommandations. Enfin, la troisième phase est celle de la concrétisation des recommandations.
« Initiative tunisienne pour l’emploi inclusif » a commencé en décembre 2012 et s’est intéressée à la problématique de l’emploi informel sur un échantillon de 1200 travailleurs dans différents gouvernorats : Tunis, Sfax, Kef, Mednine et Kasserine.
Il ressort de cette enquête que les travailleurs informels demeurent mal informés sur la réglementation de leurs activités. En témoignent les pourcentages présentés sont bel et bien inquiétants :
– 90% des travailleurs informels ne connaissent pas les mesures réglementant leurs activités;
– 68,6% ignorent les programmes gouvernementaux de formation et d’emploi;
– +90% de la population interrogée ne dispose d’aucune information sur le salaire minimum, les contrats et autres mesures du droit du travail;
– 88% ne connaissent pas les procédures d’accès à la sécurité sociale;
– 59% des entrepreneurs interrogés n’ont pas essayé d’enregistrer leurs entreprises.
De ces résultats peu enchanteurs, sont nées dix-sept recommandations qui s’articulent autour de cinq axes :
Sensibilisation et accès à l’information
Dans ce sens, l’association propose la mise en œuvre d’une stratégie nationale, basée principalement sur les médias, afin que les informations sur le travail informel soient communiquées au grand public. Cette sensibilisation ambitionne d’inciter les travailleurs dans le secteur informel à intégrer le secteur formel et d’expliquer que l’intégration du secteur formel est un acte citoyen.
Il a également été question de la simplification des textes juridiques relatifs au processus de la formalisation, afin qu’ils deviennent accessibles à cette cible.
De même, la mise en place des procédures adéquates permettant un accès simple à l’information. En quoi consiste l’importance de cette recommandation ? Au fait de reconstruire la confiance du citoyen dans les établissements publics et d’améliorer la transparence et la facilitation à l’accès à l’information publique.
Collecte et partage des données
La TAMSS recommande la création d’un identifiant unique et ce pour réduire la fraude. Un identifiant unique permettra au gouvernement de détecter facilement les cas de fraude et d’identifier les personnes éligibles aux différents programmes.
Appui des travailleurs informels à changer de secteur
Cet appui viendrait par le biais de la création d’une association nationale dont l’objectif serait de défendre les droits des travailleurs informels.
Pour passer de l’informel au formel, l’association propose des mesures d’accompagnement dans ce processus, afin de faire réussir ce passage, telles que : la création de bureaux privés de formalisation sous la supervision du ministère de l’Economie et des Finances, la formation d’agents dans les 264 délégations et le développement des compétences dans le secteur informel.
Ces recommandations ne sont pas récentes, mais il semble que TAMSS y tiennent. Il s’agirait par exemple d’allouer des espaces publics pour tout travailleur informel qui s’engage à intégrer le secteur formel.
L’objectif principal de cette recommandation n’est autre que l’incitation à la formalisation des activités. D’autre part, les litiges diminueraient entre les travailleurs et les autorités locales, à partir du moment où ils seraient intégrés au secteur formel.
Les incitations financières
Partant du principe que ce qui fait défaut aux travailleurs informels pour démarrer une activité est un capital capable de supporter les charges d’une PME, des incitations financières s’imposent, avec des taux d’intérêt préférentiels et une période de remboursement flexible, sachant que les banques refusent très souvent d’accorder des prêts à cette catégorie professionnelle.
Ainsi, accorder une amnistie fiscale accroîtrait sensiblement le nombre des entreprises enregistrées et par voie de conséquence les recettes fiscales.
Il a été par ailleurs recommandé d’accorder une période de grâce aux nouveaux affiliés à la CNSS et aux contribuables. Objectif prévu : une augmentation du nombre des affiliés et des contributions aux caisses sociale et fiscale.
Le renforcement des institutions
Pour ce qui est de la CNSS, il a été proposé de créer un comité technique pour revoir et simplifier les régimes et les procédures d’affiliation. Ceci, d’une part accroîtra le nombre d’affiliés et d’autre part améliorera la capacité de la CNSS à accorder des avantages aux travailleurs informels vulnérables et à faibles revenus. Cette proposition émane de plusieurs constats sur le comportement et les inquiétudes des travailleurs dans ce secteur : la peur de payer les impôts après la création d’une patente, de perdre certains avantages sociaux préalablement acquis (bourses pour les enfants, soins gratuits, etc.).
Dès lors deux mesures préalables s’imposent. Il s’agit tout d’abord, de la révision et de la simplification des conditions de l’ouverture d’une patente. En effet, en l’état actuel, la patente nécessite une adresse officielle, un contrat de location, un titre de propriété ou une attestation de résidence, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Le deuxième point est relatif au régime fiscal : il a été proposé de créer un régime fiscal unique qui prend en considération la situation financière des « petits artisans et agriculteurs, afin de leur permettre d’effectuer un seul payement annuel, englobant les cotisations sociale et fiscale ».
De même, la proposition a été faite de créer un comité technique pour l’examen et l’évaluation des prestations sociales et médicales, afin d’améliorer la qualité des services de soins publics et des services de sécurité sociale.
A l’ordre du jour également, le renforcement des capacités des inspecteurs du travail, par rapport au contrôle du secteur et de l’emploi informel, via des formations spécifiques dans l’objectif de veiller à mieux appliquer le droit du travail. Ainsi que le renforcement de la collaboration entre l’inspection du travail et la CNSS pour améliorer les mécanismes de contrôle, afin d’assurer des conditions de travail décentes et de soutenir les efforts de formalisation.