L’IACE a proposé un pacte économique dit « de sauvetage » en faveur de la productivité.
(…) » Les pactes visant à mettre en place des accords entre acteurs sociaux et économiques partageant des objectifs communs sont assez fréquents. A ce titre, en France, pour favoriser et débloquer la croissance, un accord a été établi au début de l’année courante entre les différents partenaires sociaux, dénommé pacte de responsabilité. Ce pacte se donne pour principal objectif d’améliorer les conditions de compétitivité des entreprises par un allègement des charges sociales, en contrepartie d’un effort en matière d’emploi et de dialogue social. Deux années auparavant, un autre pacte avait été négocié en France. Il s’agissait du programme crédit d’impôt compétitivité-emploi, constitué de plusieurs leviers de compétitivité déclinés en une trentaine de mesures concrètes. L’Italie a eu également son pacte autour de son déficit public avec des mesures centrées sur un allègement fiscal pour les revenus modestes.
Les autorités politiques du pays ont tout intérêt à négocier un pacte autour d’un axe unique et fondamental pour redresser la croissance, qui pourrait être la productivité.
Au-delà de l’accord à formaliser sur les gains de productivité, avec les détails techniques nécessaires en termes d’effets escomptés et de calendrier des mesures à appliquer, le plus important consiste à ce que les autorités puissent communiquer avec la pédagogie nécessaire auprès des Tunisiens qu’ils soient entrepreneurs, salariés des secteurs public et privé, en vue d’en faire respecter les termes, selon lesquels, chaque partie s’engage à améliorer la productivité, en contrepartie d’une révision des salaires futurs sur la base des fruits de la croissance qui sera ainsi générée. De ce fait, l’accord consiste à soutenir la croissance à travers une relance de l’offre, dont les bénéfices peuvent se manifester aux travailleurs par un maintien ou une amélioration des postes d’emploi, une stabilité bénéfique du niveau général des prix, ce qui pourrait influencer positivement le pouvoir d’achat des consommateurs. Cette relance de la croissance pourrait engendrer également de meilleures recettes aussi bien pour l’entreprise que pour l’Etat.
L’accord à adopter ne peut être crédible que si les partenaires signataires respectent leurs engagements avec la sincérité et la responsabilité qui s’imposent. Toute manœuvre illicite, visant à en tirer bénéfice pour un groupe au détriment des autres, conduirait à une perte généralisée des avantages escomptés.
L’approche pour la mise en œuvre d’un tel pacte national serait toutefois différente de celle qui a présidé à la négociation du dialogue national. En effet, les principales organisations nationales, patronales et syndicales seraient ici des parties prenantes qui ne pourront se prévaloir du rôle d’arbitre. Ce pacte devrait par ailleurs être l’occasion de consacrer le pluralisme au niveau de ces représentations professionnelles.
L’Etat aura, en outre, à assumer un rôle complexe dans sa contribution au dialogue, dans la mesure où il a un rôle multiple qui pourrait fausser l’issue des accords.
L’Etat gestionnaire doit contribuer au pacte national à travers une amélioration de la productivité de l’administration, libérer les énergies et contribuer à accélérer la prise de décision en faveur de l’investissement, réduire les délais d’instruction des dossiers d’autorisation et alléger les procédures administratives qui bloquent l’initiative privée.
L’Etat, entrepreneur public, doit mettre en œuvre un programme de redressement en faveur de la productivité, au sein des principales entreprises publiques, dont les activités sont en lien direct avec les performances du secteur privé. Nous pouvons citer la STEG dont l’amélioration de la productivité doit permettre de compenser les mesures prévues d’augmentation des coûts de l’énergie qui vont affecter la compétitivité des entreprises.
Le Groupe Chimique Tunisien se doit de relancer le niveau de production du phosphate et de ses dérivés qui contribuent de manière directe et importante aux équilibres budgétaires du pays.
Le secteur des transports et de la logistique, avec en particulier l’amélioration urgente et nécessaire des conditions d’exploitation du port de Radès, dont les surcoûts liés aux mauvaises performances affaiblissent la compétitivité de nos entreprises, ou encore le secteur bancaire dont la contribution à l’économie et à l’investissement n’est pas à la hauteur des niveaux requis.
Enfin, l’Etat est le régulateur de l’économie et se doit, à ce titre, de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre le commerce parallèle qui introduit des distorsions au niveau du marché, de nature à compromettre tous les efforts en faveur de la productivité.
Le pacte sera concrétisé par la contribution des différentes parties en faveur d’une économie plus productive, ce qui profitera à tous. Des entreprises soumises à moins de prélèvements créeront plus de valeur et contribueront à l’amélioration des conditions de travail et du pouvoir d’achat des salariés. L’Etat se verra, en retour, substituer le manque à gagner dû à l’allègement fiscal par des recettes additionnelles, suite à la relance de la consommation et des recettes fiscales directes.
Le succès de l’opération réside également dans le degré de prise de conscience des intervenants, qui doit être générale et massive. L’effort doit être entretenu, juste et profitable à tous, même si c’est à des niveaux distincts. Un tel accord doit être dicté par une vision stratégique des intérêts des divers partenaires économiques et sociaux, visant à offrir à la Tunisie une bouée de sauvetage économique salutaire, similaire aux accords politiques obtenus par le dialogue national, d’autant que l’appel à un dialogue national consacré aux problèmes économiques de la Tunisie fait son chemin et semble être la seule alternative du moment, viable, pertinente et responsable. »