Difficulté à délivrer une carte de presse, polémique autour du cahier des charges mis en place par la HAICA, classement de la Tunisie à la 133 ème place en matière de liberté de la presse et violences contre les journalistes : malgré les conquêtes réalisées, la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse a par certains côtés un goût de travail inachevé.
La Tunisie fête, aujourd’hui, 3 mai 2014, la Journée mondiale de la liberté de la presse. Un événement –faut-i le rappeler ?- qui a une couleur bien particulière depuis la révolution du 14 janvier 2011. Dans la mesure où la presse a rarement été libre en Tunisie depuis l’indépendance du pays en 1956. En effet, aussi bien sous Bourguiba que Ben Ali, les médias ont pour l’essentiel été bâillonnés et mis au service des desiderata du parti unique.
Mais force est de reconnaître, et malgré les conquêtes en matière de libertés réalisées en Tunisie depuis la révolution, cet anniversaire a par certains côtés un goût de travail inachevé.
En effet, le paysage médiatique tunisien n’a pas bougé comme le voudraient certains professionnels qui regrettent que peu de grandes réformes ont été initiées dans un secteur que le régime benalien a laissé pratiquement en l’état pour pouvoir en disposer à sa guise.
Certes, le champ médiatique a explosé avec la création de nouveaux médias aussi bien écrits, audiovisuels qu’électroniques. Certes, le ministère de la Communication n’existe plus et son contrôle de la presse avec. Certes, une HAICA (Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle) a été mise en place et un cahier des charges a été introduit et du reste publié au Journal officiel.
« Inconstitutionnel » et « dangereux »
Mais, à ces niveaux, également, on recense ici et là des lacunes. Pour ne pas dire plus. Exemple parmi d’autres : le gouvernement met du temps à délivrer une carte de presse aux journalistes tunisiens conformément à l’article 8 du décret-loi 116 du 2 novembre 2011 qui prévoit la mise en place, à cet effet, d’une commission ad hoc.
Dans ce même ordre d’idées, le cahier des charges en vue de la création de chaînes de radios et de télévisions privées, présenté par la HAICA, début mars 2014, a été accompagné d’une large contestation de la part du STDM (Syndicat Tunisien des Dirigeants des Médias) –et pas seulement. Il lui est reproché d’être « inconstitutionnel » et d’être « dangereux pour la poursuite des activités audiovisuelles ».
La HAICA a-t-elle mal négocié cette étape cruciale de la libéralisation du secteur audiovisuel en ne prenant pas en ligne de compte les attentes légitimes des professionnels ? Ces derniers sont-ils, au contraire, dans le tort, défendant par leur réaction un texte qui fait le choix de la transparence financière ou encore de l’éloignement de la politique du champ audiovisuel tunisien ? Quoi qu’il en soit la bataille est engagée. Et force est de constater que l’audiovisuel s’en ressentira. Le 30 avril 2014, le STDM était à la présidence de la République pour dire une nouvelle fois tout le mal qu’il pense de ce texte !
Mais, il y a plus grave ! Le classement 2014 de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la presse, publié en février 2014, donne à la Tunisie la 133e place. Un rang qui ne semble pas bien correspondre à un pays d’où est parti ce Printemps arabe riche en promesses. Même si la Tunisie a gagné dans ce classement cinq places passant de la 137e en 2013 à la 133e place.
Et les violences contre les journalistes continuent de plus belle. Pas plus tard que le 3 mars 2014, les journalistes manifestaient, sur l’Avenue Habib Bourguiba, pour dénoncer les agressions subies par des confrères alors qu’ils couvraient, le 28 février 2014, une manifestation des Ligues de protection de la Révolution (LPR).