Le premier rapport de l’OMS sur la résistance aux antimicrobiens intitulé Antimicrobial Resistance: global report on surveillance (Résistance aux antimicrobiens: rapport mondial sur la surveillance), tombe comme un couperet. En effet, ce que les spécialistes en matière de pharmacorésistance craignaient est arrivé : les antibiotiques qui sauvent des vies par millions de par le monde, voient leur efficacité réduite, par l’émergence de souches de bactéries de plus en plus résistantes à leurs effets.
Le rapport met l’accent sur la résistance aux antibiotiques de sept bactéries différentes, responsables de maladies graves courantes telles que les infections hématologiques (septicémie), les diarrhées, les pneumonies, les infections des voies urinaires et la gonorrhée.
Les résultats pointent du doigt, en particulier, la baisse de l’efficacité des antibiotiques «de dernier recours», dans toutes les régions du monde.
Ce rapport, dont les données proviennent de pas moins de 114 pays, fait donc état d’un phénomène d’ampleur mondiale, les pays riches autant concernés que les pays pauvres.
L’OMS tire la sonnette d’alarme au sujet d’infections potentiellement mortelles, causées à titre d’exemple par la klebsiella pneumoniae, une bactérie intestinale courante, traitée en dernier recours par les carbapénèmes. Ces derniers sont désormais inefficaces, selon le rapport, dans plus de la moitié des cas dans le monde.
Les répercussions sur la santé des individus ne se font pas attendre : on estime que chez les personnes atteintes du Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), le risque de décès est estimé à plus de 64% par rapport à celui encouru par les personnes atteintes d’une forme non résistante de l’infection.
Ainsi le Dr Keiji Fukuda, sous-directeur général de l’OMS pour la sécurité sanitaire, exprime son inquiétude en affirmant: «A moins que les nombreux acteurs concernés agissent d’urgence, de manière coordonnée, le monde s’achemine vers une ère post-antibiotiques, où des infections courantes et des blessures mineures soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer».
«L’efficacité des antibiotiques est l’un des piliers de notre santé, nous permettant de vivre plus longtemps, en meilleure santé, et de bénéficier de la médecine moderne. Si nous ne prenons pas des mesures significatives pour mieux prévenir les infections mais aussi pour modifier la façon dont nous produisons, prescrivons et utilisons les antibiotiques, nous allons perdre petit à petit ces biens pour la santé publique mondiale et les conséquences seront dévastatrices.», ajoute-t-il.
Même pour des affections moins graves, le problème de la résistance aux antibiotiques se pose. En effet, le pneumocoque résistant à la pénicilline, responsable de nombreuses infections ORL ne l’était pas il y a vingt ans (résistance quasi nulle), une résistance qui a atteint un pic à 48 % en 2002. Aujourd’hui, elle concerne 27 % des souches selon l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale, France).
L’antibiorésistance est l’affaire de tous, chacun pouvant la combattre en adoptant des mesures qui pourraient se résumer à lutter contre l’automédication, à savoir :
- utiliser les antibiotiques uniquement lorsqu’ils sont prescrits par un médecin;
- terminer le traitement conformément à l’ordonnance, même si l’on se sent mieux;
- ne jamais partager des antibiotiques avec d’autres personnes et ne jamais utiliser les médicaments restants d’une ordonnance précédente.
Il est plus que jamais temps de changer nos habitudes vis-à-vis des antibiotiques.