Finalement on ne sait quoi dire de la dernière prestation du Chef du Gouvernement Mehdi Jomaa. D’un côté une analyse objective nous renverrait à un juste « peut mieux faire », tandis qu’une analyse circonstanciée, s’appuyant sur l’impératif d’une réussite du présent gouvernement, quel que soit le prix, après l’intermède contre nature de deux années de descente aux enfers, nous pousse à la retenue. Aussi, les commentaires qui suivront se baseront sur un appui pressant à ce gouvernement « vieux et vieilli » de trois mois avec, néanmoins, un sens des responsabilités quant au traitement des grandes questions économiques. Trois d’entre elles nous subjuguent pour lesquelles Mehdi Jomaâ a été prolixe en commentaires et surtout en solutions. Mais avant de les aborder, disons-le pour ceux qui doutent encore des chiffres, à droite comme à gauche, chez les patrons comme chez les syndicalistes, qui tentent de les politiser, voire les « électoraliser », reproduisant ce qu’ils ont fait de notre vécu, trois années durant, la situation est, à la fois, très délicate et très difficilement récupérable déjà intrinsèquement, que dire, alors, quand on la soumet, quotidiennement, à la sauce politicienne d’une classe qui ne finit pas de nous décevoir. Pour ceux qui par méconnaissance des abc économiques ne savent pas – ce sont de loin les plus nombreux – on ne peut rien pour eux sinon leur demander, pour ceux qui ont le niveau de scolarisation requis bien sûr, de s’inscrire à la première année d’un diplôme économique ou équivalent. Pour le reste, sachez privilégier votre pays avant vos intérêts de troupes. Nous n’épiloguerons donc pas sur les constats, somme toute évidents, comme nous ne demandons pas à Mehdi Jomaâ de le faire. Par contre, ce que nous demandons au Chef du Gouvernement, c’est son plan d’actions et surtout le rythme de sa concrétisation.
Tout d’abord pour la balance commerciale, et comme l’a suggéré explicitement le Gouverneur de la BCT, il y a le feu et un plan de réduction des importations s’impose pour tous les produits à l’exception des produits nécessaires au risque… Or sur ce point, ce qui a été fait est jugé faible, et même si ce n’était pas le cas, c’est insuffisant. Une série d’actions avec une quantification de leur impact s’impose immédiatement avec à la clé une communication sans équivoque. S’endetter pour consommer est le pire des comportements économiques puisque la chute ne sera que plus brutale et surtout très rapide. Ou bien nous travaillons pour couvrir notre consommation, ou bien on la réduit. Il n’y a pas d’autre issue. Sur cet aspect, Mehdi Jomaâ ne doit plus être prisonnier ni du quartet ni des pressions quotidiennes.
Le déficit budgétaire ensuite. Le gain présenté sur une réduction des dépenses publiques de 1,5 milliard de dinars est insuffisant comparé au déficit structurel qui avoisinerait, aujourd’hui, les 12-13 milliards de dinars. Un gain de trois milliards de dinars est incontournable pour un budget destiné à 60 % aux salaires et à la compensation, ce qui représente à peine 20%. Que les gens sachent que s’ils ne changent pas de comportement, la Tunisie s’inscrira dans les pays en faillite même si l’on entend, ça et là, que les Etats ne font pas faillite. C’est peut-être vrai, mais comment qualifier l’Etat somalien, celui du Zimbabwe, l’Irak, malgré ses richesses naturelles, le Soudan, l’Argentine, d’il y a quelques années, la Grèce, Chypre, le Liban de la guerre civile. Si ce ne sont pas des faillites, cela y ressemble fortement. Pour éviter de se retrouver parmi cette liste, des décisions courageuses doivent être prises laissant à ceux qui s’y opposent la responsabilité vis-à-vis du pays et des générations futures.
En troisième lieu, le moment est venu de quantifier les gains attendus de la réforme de la fiscalité. Aucun chiffre à ce jour, ni aucune communication sur les changements à opérer dans les moyens de fonctionnement d’une administration fiscale, piégée par des problèmes de ressources humaines et de ressources logistiques. L’évasion organisée de certains métiers est un secret de polichinelle. Ou ce comportement s’arrête par une équité dans la contribution des uns et des autres, ou ses auteurs devront être pénalisés lourdement.
Enfin, même si nous comprenons la difficulté de désarticuler le circuit parallèle, nous sommes en attente d’un programme chiffré de son démantèlement. Cibler une économie parallèle, de 25 à 30% dans un horizon prévisible, équivaut à rendre au secteur organisé environ 15 à 20 milliards de notre PIB.
Ce sont ces exemples chiffrés, avec les plans d’action pour y arriver, qui manquent aujourd’hui à un gouvernement qui, il faut le reconnaître, travaille dans un environnement local et international des plus délicats. Au gouvernement de choisir si ces plans doivent être abordés lors de la conférence nationale sur l’économie. Mais une chose est sûre, ce n’est pas en comptabilisant les humeurs des uns et des autres que l’on pourra avancer.
Nous disons cela, afin que ce gouvernement, très compétent, fasse avancer les choses en s’attaquant aux vrais carences qu’il a, lui-même, identifiées mais qu’il tarde à affronter, par prudence certainement, puisque l’environnement, politique et social, continue à vivre sa révolution en pensant que l’économie d’un Etat peut se suffire d’amour et d’eau fraîche. Les enjeux sont importants, voire vitaux.