Le Front Populaire ne participera pas au Dialogue national sur l’économie. Hamma Hammami dénonce une mise en scène qui ne vise qu’à appliquer les diktats du FMI.
Le Front Populaire a annoncé aujourd’hui son retrait définitif des travaux préparatifs préliminaires au Dialogue national sur l’économie que le gouvernement devrait annoncer le 27 mai. La coalition de gauche ne prendra pas part non plus aux travaux de ce dialogue et elle l’a fait savoir lors d’une conférence sous le thème « Non à la paupérisation de notre peuple, non à la la cession des richesses de notre pays ».
Nous avons pourtant essayé d’y être, mais…
« Nous avons pourtant essayé d’y être, car nous sommes convaincus que le dossier économique est d’une importance cruciale pour le peuple et le pays », a annoncé Hamma Hammami, le porte-parole du Front Populaire, qui avant de claquer la porte à ce qu’il a qualifié de simulacre de dialogue, a pris tout son temps d’exposer les motifs de ce retrait.
C’est que le Front Populaire aurait fait au départ preuve de bonne foi et d’espoir en acceptant l’invitation du gouvernement. Mais, ses 33 experts économiques qui ont pris part aux travaux des 11 commissions préparatoires, à raison de trois experts par commission, auraient été confrontés à un « manque de sérieux déconcertant auprès des représentants du gouvernement, lesquels étaient beaucoup plus nombreux que les représentants des partis politiques ».
Rapportant l’un après l’autre les travaux des commissions tenues depuis leur départ, le 22 avril 2014, à huis clos, trois experts économistes du Front Populaire ont raconté leur déception.
Des mesures dictées par le FMI & cie
Notant que certaines commissions ont été « étrangement » beaucoup plus actives que les autres, les experts en ont déduit la volonté du gouvernement d’orienter le dialogue vers des objectifs fixés d’avance. Pire, à en croire les membres du Front Populaire, ces objectifs seraient dictés notamment par le Fonds Monétaire International, qui aurait conditionné l’octroi de son crédit à la réalisation dans les délais impartis de ces objectifs.
Ainsi, alors que la commission des matières de base a tenu six réunions, la commission des Finances publiques n’en a tenu qu’une. Ayant pris part aux travaux de la commission des matières de base, Mustapha Jouili, l’économiste du Front Populaire, a rapporté la position du gouvernement qui cherche à tout prix à lever la compensation sur les denrées alimentaires de base. La question n’est pas de maintenir ou pas la Caisse de compensation, mais plutôt comment faire digérer les augmentations des prix aux Tunisiens.
Ce qu’a rapporté l’économiste de gauche à cet égard frôle le sarcasme. Ainsi, un représentant d’un parti politique aurait demandé à ce que les augmentations soient décrétées après les élections. La ministre du Commerce aurait demandé aux représentants politiques de ne pas inciter le peuple et leurs partisans à manifester contre les augmentations des prix, sous prétexte que parfois certaines augmentations passent même inaperçues.
La caisse noire de l’énergie
Dans le même sillage que son collègue de la commission des matières de base, Houcine Rhili, le représentant du Front dans la commission de l’énergie, a dénoncé le flou maintenu par le gouvernement sur le dossier de la subvention des hydrocarbures.
« Nous avons revendiqué un diagnostic intégral du secteur de l’énergie, avec les chiffres vrais et exacts. Nous avons demandé le degré d’implication réel du triangle énergétique formé par l’ETAP, la STIR et la STEG. Nous avons demandé les chiffres de la production de l’énergie et ceux de la consommation réelle. Nous avons même demandé les prix à la pompe des hydrocarbures. Nous voulons comprendre l’explosion de la subvention qui est passée de 500 millions de dinars en 2010, à 3750 millions de dinars en 2013 ». Ainsi longue et emportée, la tirade de Houcine Rhili fut un appel insistant à ouvrir « la caisse noire de l’énergie », d’autant plus que les mesures prônées par le gouvernement « ne sont pas en mesure de résoudre le déficit énergétique, encore moins d’en élucider les causes. »
Ni les augmentations des factures de l’électricité, ni « la Tunisie à l’horizon de 2030 », une étude gouvernementale qui vante les bienfaits des énergies renouvelables, n’ont en effet convaincu le Front Populaire. C’est que, pour ces politiciens de gauche, le gouvernement devrait se contenter à court terme des missions que lui a assignées le quartet parrain du dialogue national, à savoir la présevation du pouvoir d’achat des Tunisiens, la promotion dans la mesure du possible de la création d’emplois et le développement régional.
Les orientations stratégiques, les choix qui ont trait au nouveau modèle de développement, le gouvernement Mehdi Jomâa doit, selon Hamma Hammami, en laisser le soin au gouvernement dont l’élection se fera, espère-t-on d’ici la fin de l’année.