En marge du Séminaire « Pour une croissance inclusive : l’emploi des jeunes et le développement régional », tenu le 20 mai à Tunis et organisé par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), en partenariat avec l’Ecole supérieure de commerce de Tunis (ESC) et le Think Tank Brooking Institution, nous avons interviewé Meher Gassab, directeur de l’Ecole Supérieure de Commerce (ESC) et spécialiste en économie publique. Interview :
leconomistemaghrebin.com : Les économistes parlent de l’échec du modèle de développement tunisien de l’avant 14 janvier. Quelles sont les causes de cet échec ?
Meher Gassab : Tout d’abord, il faut parler des indicateurs de l’échec. Certes, ce modèle a généré de la croissance, mais malheureusement cette croissance n’a pas créé suffisamment d’emplois et n’a pas assuré l’équilibre entre les régions, ce qui nous amène à dire que c’est une croissance non inclusive.
Pour ce qui est des causes de l’échec, elles sont multiples. Prenons, par exemple, l’aspect institutionnel. Nous pouvons parler de déficit institutionnel qui a été à l’origine de l’échec de ce modèle de développement d’avant la révolution. Le déficit institutionnel, nous pouvons le résumer par le manque de participation, le faible niveau de démocratie, le clientélisme, la corruption etc…
Existe-t-il d’autres causes de l’échec de ce modèle ?
Oui tout à fait, il existe bel et bien d’autres causes, à savoir les disparités régionales. En décortiquant ces deux causes, nous pouvons trouver l’origine du problème. Il existe aussi des facteurs structurels pour une économie du développement qui n’a pas suffisamment de ressources pour créer des emplois et réaliser des investissement publics suffisants dans les régions et capable de créer davantage d’emplois.
Il faut probablement revoir la question du partenariat avec les organismes internationaux. Jusque-là, l’aide au développement n’a certainement pas aidé la Tunisie à surmonter toutes ses difficultés, notamment au niveau de la réduction du taux de chômage.
Quelles sont les conditions requises pour pouvoir instaurer un nouveau modèle de développement en rupture avec l’ancien modèle ?
Sachez qu’il n’existe pas de recette magique. Il est clair qu’aujourd’hui des efforts au niveau du développement institutionnel, au niveau de la transition démocratique, des réformes dans les secteurs clés de l’économie tunisienne sont nécessaires, voire cruciaux, sans oublier aussi l’éducation.
Les problèmes sont multiples et chaque problème doit être traité de manière précise. Le seul point sur lequel les participants au séminaire sont d’accord est la nécessité du développement des institutions pour permettre une croissance plus équitable qui assure une certaine justice sociale et qui réduise les disparités régionales en matière d’économie.
Et quelle place pour la décentralisation ?
Du point de vue politique maintenant, la décentralisation est un choix constitutionnel. Il reste la mise en pratique, le cheminement et le rythme à adopter pour mettre en place cette décentralisation. Et cela nécessite la réflexion de tous, économistes, politiciens et société civile. Il faut partir de l’existant, dépoussiérer le diagnostic régional et territorial disponible et faire de la prospective régionale en évitant autant que faire se peut les erreurs.