« Le modèle de développement tunisien est défaillant sur plusieurs aspects d’où la nécessité d’instaurer un nouveau qui soit créateur d’emplois et distributeur de richesses équitablement », ont affirmé les économistes qui ont participé au séminaire « Pour une croissance inclusive : l’emploi des jeunes et le développement régional », tenu aujourd’hui 20 mai à Tunis. Organisé par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), en partenariat avec l’Ecole supérieure de commerce de Tunis (ESC) et le Think-Tank Brooking Institution, mais en absence de tout responsable gouvernemental. Notons que le ministre de l’Equipement et de l’Habitat n’a pas assisté aux activités du séminaire et s’en est excusé.
Bien avant le lancement du séminaire, la lecture de l’argumentaire publié par les organisateurs ne laisse personne insensible à l’avenir de l’emploi des jeunes et aux défaillances du modèle de développement de l’avant-14 janvier. L’argumentaire pointe du doigt l’incapacité du modèle de développement de créer des postes d’emploi permanents et décents. La preuve : « Les jeunes, entre 15 et 30 ans, représentent environ un tiers de la population active et les trois quarts des demandeurs d’emploi. En moyenne, leur taux de chômage est supérieur à 30%. Ce taux est plus élevé pour les jeunes femmes et dans les régions les plus pauvres, en particulier dans l’ouest du pays », précise l’argumentaire.
Pour Hafedh Ghanem, chercheur senior à Brookings Institution, les problématiques de l’emploi et de l’exclusion sociale ne datent pas d’hier mais les révolutions arabes ont mis ces problématiques en avant. « La Tunisie doit réussir son modèle de développement étant donné qu’elle est l’annonciatrice du printemps arabe », dit-t-il. « Si elle va échouer à instaurer son nouveau modèle de développement, les autres pays du printemps arabe échoueront eux aussi », continue-t-il sur un ton affirmatif. De même, il a rappelé que la démocratie et le développement demeurent intimement liés.
Meher Gassab, directeur de l’Ecole supérieure de commerce de Tunis (ESC), a tiré la sonnette d’alarme sur la prolifération du domaine informel en Tunisie et l’expansion des disparités entre les régions. « Tous ces paramètres montrent bel et bien les limites du modèle actuel du développement économique et la nécessité de repenser ce modèle », ce qui constitue « un grand chantier à entamer ». Réflexion partagée plus tard par les autres intervenants. Dans la même logique, Jouheina Ghrib, a parlé de l’essoufflement du modèle de développement tunisien »
Pour pouvoir instaurer un nouveau modèle de développement pour la Tunisie, le professeur Hatem Salah, enseignent à l’Université de la Manouba, a critiqué tous les modèles de développement mis en œuvre en Tunisie en axant son intervention sur le problème de la décentralisation et la corruption et a rappelé à l’auditoire que le président Ben Ali avait promulgué 25 lois lui permettant de contrôler l’économie tunisienne et tenir en main les grandes entreprises.
Mais quel rôle pour les institutions dans l’instauration d’un nouveau modèle de développement ? Le professeur déclare qu’ils sont hostiles à tout genre de changement étant donné qu’elles sont entravées par la bureaucratie, ce qui complique le processus de la réforme.
Najib El-Gharbi, professeur à l’université de La Manouba, a proposé « un plan vertical de développement » qui prône une approche participative et consensuelle entre toutes les parties prenantes de la société tunisienne : « Le nouveau modèle de développement doit commencer du bas par les délégations, les communes pour aller vers les gouvernorats ». En adoptant ce nouveau modèle de développement, les régions de l’intérieur auront aussi leur mot à dire.
Abordant la problématique des opportunités économiques pour les jeunes et la transition démocratique en Tunisie, Professeur Mongi Boughazala s’est contenté d’interpeller le public en donnant des pistes de réflexion t en indiquant en premier lieu qu’il n’existe aucune solution miraculeuse pour résoudre le problème du chômage en Tunisie et que les demandeurs d’emploi ne devraient plus compter sur l’Etat « le recrutement se faisant à 85% dans le secteur privée », dit-il.
Pour Dr Sonia Naccache, le taux de chômage demeure très élevé dans les régions de l’intérieur par rapport aux régions du littoral, ce qui incite à intervenir pour réduire cette disparité d’après elle.
Pour réduire le taux de chômage, elle a proposé également de réformer le secteur de la formation professionnelle, rétablir les ponts entre l’université et l’entreprise, initier les élèves au monde de l’entreprise depuis l’école primaire, et la mise à jour des programmes officiels de l’université afin qu’ils deviennent conformes aux attentes du marché de l’emploi et assurent une formation continue à vie au fonctionnaire.