Juste retour des choses : Sfax la studieuse capitale du Sud aura un Centre hospitalo-universitaire (CHU), digne de son nom, de sa réputation et de sa contribution au rayonnement de la médecine en Tunisie.
Le gouvernement chinois vient d’accorder un don d’un montant total de 120 millions de dinars, à cet effet.
De l’aveu même d’un membre important de la chancellerie chinoise, ce sera l’un des projets phares d’Afrique. Le sentiment qui prévaut chez le diplomate chinois est qu’il y a un temps pour la transition démocratique et un temps où il va falloir faire face aux contraintes économiques et répondre aux attentes et aux besoins les plus urgents, en plus des demandes de démocratie et de liberté. L’emploi, la relance de l’investissement, le développement régional sont au nombre des plus grands défis de la Tunisie post-Révolution.
Le gouvernement chinois, par la voix de ses représentants à Tunis, salue la manière dont a été conduite le processus de transition démocratique et entend apporter son expérience et son expertise pour aborder avec succès la transition économique.
On nous précise que le don dédié au complexe hospitalier de Sfax n’est qu’un début qui sera suivi par d’autres opérations de grande envergure. A l’avenir, il y aura, nous dit-on, d’autres initiatives de ce genre. Côté chinois, la volonté y est, la capacité aussi.
Ce qui manque, en revanche, ce sont paradoxalement les projets non encore identifiés. Les Chinois font preuve d’un grand pragmatisme. Ils ne souhaitent ni plus ni moins que de travailler main dans la main avec les Tunisiens sur des projets réels, concrets, plutôt que d’épiloguer sans fin sur des lignes de crédit dont ils ont peu l’habitude.
Et des projets, il ne devrait pas en manquer. Ils reconnaissent que la Tunisie a beaucoup de richesses. Et d’énumérer ces niches et ces gisements très prometteurs :
– L’abondance de soleil d’abord. Les Chinois mettent en avant leur avance en matière d’industrie de plaques photovoltaïques. Autant dire qu’il y a d’énormes opportunités de partenariat dans ce domaine.
– L’abondance de terre : elle devrait générer davantage de valeur ajoutée agricole. Il y a là aussi matière, via une coopération étroite, à réduire le gap et les déficits de productivité du secteur agricole.
– L’abondance de ressources humaines et de compétences : on peut dès lors prétendre à un saut technologique propre aux pays émergents, en tissant davantage de liens de partenariat tuniso-chinois.
On mesure au regard de cet inventaire, de cette énumération de champs possibles de coopération et de partenariat, le désir des Chinois d’élaborer des projets communs, allant jusqu’à dire que « c’est à nos amis tunisiens de nous proposer des projets réalisables sur la base du respect mutuel et conformément à la règle gagnant-gagnant ».
Contribuer à l’émancipation des partenaires plutôt qu’à entretenir leur dépendance
Et pour lever toute équivoque, l’association don et projet, comme c’est le cas du CHU de Sfax, est chargée de signification. Elle est en cohérence avec le proverbe- bien chinois lui aussi- qui dit qu’il vaut mieux apprendre à pêcher à quelqu’un plutôt que de lui donner un poisson. Car à quoi bon l’aider à consommer aujourd’hui si demain il en sera privé pour toujours. Autant dire que pour la Chine d’aujourd’hui, qui s’arroge la 2° place dans l’économie du monde, il faut traiter les problèmes à la racine. Contribuer à l’émancipation des partenaires plutôt qu’à entretenir leur dépendance.
On l’aura compris, le don du projet du CHU de Sfax pourrait être le premier pas d’une si longue marche, pour rester dans des airs chinois. A charge pour les responsables tunisiens d’identifier et de présenter des projets pour sceller un partenariat tuniso-chinois à forte valeur ajoutée. La réforme du Code des investissements, marqué par les appréhensions du siècle dernier, plus qu’il ne se sert de la boîte à outils du siècle à venir, y contribuera pour beaucoup. Les Chinois ne le disent pas ainsi, ils ne le pensent pas moins.
Merci si Hedi pour cet article, le seul hic est que lorsqu’on évoque devant des hommes d’affaires ou même des universitaires la coopération avec la Chine ou l’inde ou une autre puissance régionale qui sort de l’ordinaire, ces premiers sont très sceptiques ils sont au fait conditionnés à ne collaborer qu’avec leurs « maîtres » occidentaux, j’en ai eu personnellement l’expérience. Malheureusement, une grande partie de notre « élite » économique et intellectuelle n’est pas sortie des sphères que j’appellerai plutôt chaines d’influence occidentales dans lesquelles nous avons évolué durant plus d’un siècle et dont l’influence a été peu à peu accentué avec l’indépendance, pourtant même Bourguiba qui est considéré comme l’un des plus francophiles de nos politiciens, a fait le choix au début de diversifier nos relations et la sources de nos investissements, il ne s’est pas seulement tenu aux investisseurs ou pourvoyeurs de fonds classiques venant de l’autre bord de la méditerranée ou d’outre atlantique. Je ne suis pas spécialement fun de ce grand leader mais je dirais que malgré la situation et le contexte difficiles dans laquelle il mettait en place la nouvelle république il a montré beaucoup plus de courage et de ruse politique que les actuels politiciens qui ne savent pas sortir des sentiers battus, pour ces derniers il suffit qu’une idée révolutionnaire vienne contredire leurs croyances ou leurs routines pour qu’ils bloquent et la réfutent; aucun esprit critique.
Tout à fait d’accord avec votre brillante analyse.Tout réside dans la mentalité d’anciens colonisés!