En passe de devenir un pôle mondial de développement, l’Afrique continue d’attirer l’attention et les convoitises des investisseurs. Durant ses Assemblées annuelles tenues la semaine dernière à Kigali (Rwanda), la Banque africaine de développement ( BAD ), qui fête ses 50 ans, a publié une étude sur l’efficacité financière et le développement, laquelle indique que le taux de croissance du continent devrait s’élever à 5,7 % en 2013. L’étude se projette également dans l’avenir pour prédire qu’en 2020, 22 pays africains connaîtront une croissance supérieure à 6 %.
Mais, selon les spécialistes du continent, ces chiffres et pronostics ne doiventt pas cacher quelques vérités, en partant du fait qu’il n’existe pas une seule Afrique, mais plusieurs, et que devant ces multiplicités, les défis sont aussi énormes que complexes.
Ces défis, Bouchra Benhida, professeur marocaine de Géopolitique et de Géo-économie, les a énumérés durant le tout récent séminaire organisé à Tunis par la fondation Friedrich Ebert, sous le thème : « Les relations Tunisie-Union Européenne dans un contexte régional en mutation ».
Le premier défi socioéconomique qui freine l’essor de l’Afrique est la pauvreté chronique. Plusieurs rapports assurent en effet que l’Afrique est un continent riche peuplé de millions de pauvres, dont le PIB est huit fois inférieur à la moyenne mondiale.
Pour Bouchra Benhida, les chiffres de croissance seraient vides et insignifiants s’ils n’étaient pas secondés par une « réelle politique d’éducation ». Il faut en effet des techniciens, des ingénieurs, des technologues, des scientifiques, une main-d’œuvre hautement qualifiée pour donner de la consistance et de la pérennité aux projections de croissance.
L’autre grande difficulté que le continent doit surmonter est cette réalité qui l’a mis sur le devant de la scène géopolitique : le déplacement du centre de gravité du terrorisme de l’Afghanistan dans la région du Sahel. Un déplacement qui s’est accompagné, selon la spécialiste, par un changement de modus operandi des terroristes comme Boco Haram, et un changement donc des tactiques antiterroristes. Pour la première fois, en effet, les Etats-Unis ont décidé de mettre à prix la tête du djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar pour 23 millions de dollars, a noté Bouchra Benhida, tout en rappelant l’autre corollaire des activités terroristes qui n’est autre que le trafic de drogue. « Selon un rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), 9 des 14 grosses saisies réalisées en 2011 en Afrique ont eu lieu au Bénin, au Cameroun, au Ghana, au Nigeria, en Sierra Leone et au Togo», a-t-elle fait savoir.
Pour relever tous ces défis, Bouchra Benhida prône la politique de l’intégration régionale et de l’invention. Pour elle, ce serait la seule manière de pouvoir assurer des emplois aux 200 millions de jeunes Africains de moins de 25 ans. C’est que selon ses dires, les chiffres ne seraient concrets qu’en rendant plus inclusive la croissance en Afrique.